On estime qu’à l’échelle de la planète un tiers de la nourriture destiné à notre alimentation est aujourd’hui perdu ou jeté. Face à l’ampleur de ce gaspillage les pouvoirs publics tentent depuis 2013 de nous sensibiliser à ce problème qui nous concerne tous.
En France, selon l’Agence de l’Environnement et de Maîtrise de l’Energie (ADEME) nous gaspillons chaque année par personne 20 kilos de denrées alimentaires, c’est comme si nous jetions 400 euros à la poubelle pour une famille de 4 personnes, alors en ces temps de crise ça fait réfléchir !
face à ces chiffres alarmants la France a signé en juin 2013 un Pacte National de lutte contre le Gaspillage Alimentaire avec pour objectif de le réduire de moitié d’ici à 2025. Une des premières mesures prise par le gouvernement fût de décréter le 16 octobre « Journée Nationale Contre le Gaspillage alimentaire ». Une journée pour nous faire prendre conscience de ce vaste problème et de ses répercussions directes sur notre quotidien, notre environnement et notre économie.
Mais concrêtement que pouvons-nous faire à notre échelle ? Quelles mesures pouvons-nous prendre pour limiter notre gaspillage alimentaire et réussir à atteindre l’objectif ambitieux de le réduire de moitié à l’horizon 2025 ? En France, l’agronome Bruno Lhoste, spécialisé en génie énergétique et auteur de « Grande (sur)-bouffe, pour en finir avec le Gaspillage alimentaire » avait tiré la sonnette d’alarme dès 2012 en compilant dans son ouvrage, les chiffres et données connus sur ce gâchis et en tentant d'y apporter des solutions, exemples à l’appuie. Nous sommes allés lui poser la question.
estimation d’1 milliard de tonnes de nourritures gaspillées, soit près d’1/3 tiers de la production mondiale jeté à la poubelle.
Concrètement qu’est-ce que le Gaspillage Alimentaire ?
Ce sont toutes les denrées que nous aurions pu consommer et qui n’arrivent pas dans nos assiettes. Cela concerne toute la chaine alimentaire, du champ à l’assiette. On parle de près de 240 kg par personne qui sont ainsi gaspillés, dont 20 kg directement par le consommateur.
Le Gaspillage alimentaire est-il un fait nouveau ?
Non ce phénomène n’est pas nouveau, il y a toujours eu du gaspillage. En revanche ce qui est plus récent c’est l’ampleur qu’il a pris. Tout a démarré dans les années 70 avec l’industrialisation de notre alimentation pour arriver aujourd’hui à ces chiffres étourdissants.
En France on produit de 2 fois plus de denrées que nos besoins réels
Comment avons-nous pu en arriver là ?
Je crois très sincèrement que l’on ne s’en rendait pas compte, nous n’en avions pas conscience. Ce sont les récentes études chiffrées réalisées par des organismes sérieux qui ont mis le doigt sur le problème et nous ont permis de nous rendre compte de l’ampleur réel de ce phénomène.
Cette ignorance s’explique par la multiplication des acteurs de la chaîne alimentaire qui est devenue extrêmement longue entre le producteur et le consommateur. Plus d’intermédiaires et à chaque étape du gâchis, mais chacun à son échelle.
En Europe nous vivons dans une société riche et nous mettons en circulation bien trop de nourriture. Rien qu'en France nous produisons de 2 fois plus de denrées que nos besoins réels. Le gaspillage est donc inévitable. L’ampleur qu’a pris le gaspillage alimentaire est donc intimement liée à cette surabondance de biens.
A quel moment avez-vous pris conscience de l’ampleur du gaspillage alimentaire ?
Avec mon entreprise Indigo, nous conseillons depuis 25 ans les sociétés sur les questions des déchets et de leur recyclage. Cela fait donc des années que je vois ce qu’il se passe les poubelles des entreprises et des particuliers et cela m’a amené à réfléchir à des solutions pour les diminuer. Les enquêtes sérieuses chiffrées menées en 2011 par la FAO (L’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation) au niveau mondial avec cette estimation indécente d’1 milliard de tonnes de nourritures gaspillées, soit près d’1/3 tiers de la production mondiale jeté à la poubelle et d’autres études édifiantes sur ce sujet m’ont décidé à écrire ce livre sur le gaspillage alimentaire. J’y ai compilé toutes ces données chiffrées, j’ai réalisé un travail de synthèse et j’ai tenté d’y apporter des solutions.
Quel est le maillon faible de la chaine alimentaire ?
On ne peut parler de maillon faible, mais c’est bien à la source, au niveau de la production qu’il y a le plus de gaspillage. Et croyez-moi, à la source ils le voient le gaspillage et ils en sont les premiers victimes. Avec la concurrence de l’Europe et les coûts sur le marché mondial, près de 30% des récoltes françaises pourrissent sur pied. On ne les ramasse même pas. Il y a aussi les fruits et légumes qui sont écartés du marché parce qu’ils n’ont pas le bon calibre, pas la bonne tête.
Ensuite au niveau du transport puis de la distribution il y a énormément de gâchis. Des produits enlevés des rayons car abîmés ou limites au niveau de la date de consommation sont détruits. Puis arrivent les collectivités locales, les cantines et enfin les consommateurs, moi, vous, nous.
Quelles seraient selon vous les bonnes mesures à prendre ?
Plus que des mesures ce sont nos mentalités qui doivent évoluer. Nous devons arrêter de vouloir manger des tomates toute l’année, privilégier les aliments locaux pour raccourcir la chaine entre le producteur et le consommateur. Consommer les fruits et légumes qui ont une sale tête.
Il faudrait également que les producteurs et les industriels diminuent la quantité de produits mis en circulation et jouent le jeu en mettant des dates de validité plus longues sur certains de leurs produits. Il faut mieux informer le consommateur sur ces dates de péremption. Pour que cela soit plus clair depuis janvier la mention DLUO a été remplacée par « à consommer de préférence avant le… ».
Pour agir efficacement l’état doit faire tomber les blocages qui empêchent chacun d’agir au niveau local. C’est encore trop compliqué pour des petits commerçants de donner leurs surplus car s’il y a un problème avec le produit c’est la responsabilité du donneur qui est engagée. En France il n’y a pas de mauvaises volontés mais il y a des problèmes de logistique qui empêchent d’aller plus loin. Si l’état enlevait ces points de blocage qui sont remontés par la base qui agit, elle jouerait là un rôle déterminant dans la Lutte contre le Gaspillage.
En France il y a beaucoup de bonnes initiatives comme « La tente des Glaneurs » mise en place par Jean-Loup Lemaire sur le marché de Lille. Il récupère les denrées abimées pour les redistribuer à ceux qui ont du mal à joindre les deux bouts. Un phénomène viral déjà repris par une dizaine de marchés en France et en Europe. Il y a aussi les Disco Soupes ou Disco Salades, des soupes et salades préparées avec des fruits et légumes qui auraient dû être jetés et qui sont distribués gratuitement ou à petits prix dans des lieux publics. Des actions anti gaspis qui s’exportent même hors de nos frontières.
Vous voyez pour lutter contre le Gaspillage Alimentaire il n’y a pas une mais des solutions !
Pour aller plus loin…
Bruno Lhoste, Pdt de la société Inddigo qui accompagne les collectivités sur les questions de gaspillage. Auteur de « Grande (sur)-bouffe, pour en finir avec le gaspillage alimentaire » - Editions Rue de l’Echiquier
Voir également l'interview de Sonia Ezgulian et se procurer d'urgence son dernier ouvrage "Ma cuisine Astucieuse", un livre bourré d'astuces pour éviter nos petits gaspillages quotidiens.
Pour signer la pétition en ligne "Stop au gâchis alimentaire en France" mise en place par le site change.org c'est par ici !
Plus d'infos sur les actions mises en place sur le site dédié à l'alimentation du gouvernement.
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