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Interview du Chef Mickaël Féval

chef du Restaurant Antoine* à Paris (de 2009 à mai 2012)

Mickaël Féval chef du Restaurant Antoine à Paris ©Ludovic Le Guyader

Mickaël Féval chef du Restaurant Antoine à Paris ©Ludovic Le Guyader

Originaire de Picardie, le chef Mickaël Féval a grandi proche de la nature. Un père passionné de chasse et de pêche, une mère qui aime passer derrière les fourneaux et cuisiner pour les copains et au milieu de tout ça le jeune Mickaël qui a gardé de cette époque le souvenir d'une ambiance festive et conviviale où le partage était de mise.

Très vite dans sa tête tout devient clair. Cuisiner c’est donner un peu de soi à ceux qu’on aime et la plus belle récompense c’est de voir leurs mines réjouies quand ils dégustent leur assiette. Il choisit donc sans hésiter sa voie et ce sera en cuisine « Je ne voyais pas l’intérêt de faire des études, je me voyais déjà dans la restauration ».

Mais pour devenir chef cuisinier il faut quand même passer par la case formation. Il passe donc un CAP, puis un BEP et part en Lycée hôtelier pour parfaire ses connaissances.  Un premier stage d’été où il intègre les cuisines d’Eric Briffard au Relais & Château de Fère-en-Tardenois le conforte dans son choix. Une rencontre importante pour le jeune Mickaël  Féval « un choc positif, avec lui j’ai découvert la rigueur de ce travail et j’ai compris le véritable rôle d’un chef en cuisine ».

Il part ensuite sur Paris au Méridien puis s’envole pour  son service militaire à La Réunion dans les cuisines de l’état-major français. Là-bas il découvre de nouvelles saveurs et est séduit par cette cuisine métissée, riche des merveilleux poissons qu’offre l’Océan Indien. 

De retour sur Paris il retrouve Eric Briffard, le chef de ses débuts, et le seconde dans les cuisines doublement étoilées du Plaza Athénée.  Une nouvelle aventure l’appelle en Bourgogne à Saulieu  aux côtés du chef Bernard Loiseau. Avec lui il découvre la cuisine de terroir, mais surtout il s’imprègne d’une philosophie « la tête du chef est comprise dans l’addition », un grand chef se doit de venir voir ses convives et de s’assurer que tout se passe bien. Il faut sortir de sa cuisine, être au contact de ses clients. Chez Bernard Loiseau il retiendra aussi l’esprit « Isshoni », du japonais « Tous ensemble ».
« Sa disparition fut un choc, ce soir-là je m’en souviens très bien. C’est quelqu’un qui nous manque, il a fait beaucoup pour la cuisine et la gastronomie française ».

S’en suit une halte plus au sud, sur la côte d’Azur, au Majestic à Cannes avec Bruno Oger. Il y découvre la cuisine du sud, la fleur de courgette, l’huile d’olive…
« Dans ce métier on bouge beaucoup, mais c’est parce que l’on a besoin de se former. Il y a la personnalité des chefs, chacun apporte sa pierre à l’édifice.  Cela nous permet de voir différents styles de cuisine et de pouvoir ensuite faire ses choix. On se nourrit de tout ça ».

Cap à l’est où il part rejoindre Antoine Westermann à Strasbourg au triplement étoilé Buerehisel. Puis c’est le retour sur Paris dans les cuisines du Normandy Hotel où il devient  le sous-chef de Thierry Barot au Il Palazzo, expérience de la cuisine italienne et une nouvelle corde à son arc.

Son premier poste en tant que chef de cuisine il le trouve au restaurant Cap Seguin à Boulogne Billancourt, un établissement chic et branché de bord de Seine où l’on peut servir jusqu’à 400 couverts par jour.
C’est  là qu’Antoine Vigneron le découvre et  vient lui proposer en 2008 un nouveau défi, l’ouverture d’un nouveau restaurant de spécialités de poissons près du Pont de l’Alma à Paris, c’est le début de l’aventure Antoine.

Mickaël Féval s’implique pleinement dans ce projet, de la décoration aux cuisines en passant par la constitution de son équipe.
Au restaurant Antoine, Mickaël Féval va mettre toute sa créativité et tout sa technique au service des poissons, coquillages et crustacés et travaille sur plus de 150 espèces différentes. Son défi,  proposer à sa clientèle de l’extra-frais et faire vivre sa carte au jour le jour en fonction des arrivages et des saisons. Pour y parvenir il se fournit essentiellement auprès des mareyeurs de Saint-Gilles Croix de vie.
Cette recherche de fraîcheur et de qualité unique est l’une des valeurs primordiales du chef Mickaël Féval, valeur qui lui a très vite amené la consécration, avec en 2010 le Prix Jacquart de l’Etoile montante de la gastronomie, puis l’obtention en 2011 d’une 1ère étoile au Guide Michelin.

C’est autour d’une table du restaurant Antoine, que le chef Mickaël Féval, un œil rivé sur ses cuisines visibles depuis la salle, nous a confié sans détour son parcours, sa philosophie, ses envies, ses goûts…

Comment définissez-vous votre métier de chef cuisinier ?

Un métier de passion où l’on apprend sans cesse. C’est le plaisir du partage, d’abord avec son équipe et ensuite avec les clients. C’est un métier très complet. Il faut connaître les produits que nous travaillons, l’histoire de la gastronomie, la géographie et les spécialités par région… Il y a une vraie diversité dans ce métier. Ce métier permet également de voyager, de toucher un peu à tout pour ensuite choisir sa spécialité et surtout il n’y a pas de chômage. En revanche il faut vraiment bosser, on ne fait pas semblant, mais quand on aime…

En cuisine quel ingrédient vous inspire  ?

Le produit qui est passé entre les mains d’un passionné !

En fait quand on est cuisinier on aime tous les produits. J’ai commencé à travailler exclusivement sur les poissons avec le restaurant Antoine. J'ai découvert un aliment sain et léger mais à l’approvisionnement compliqué. Il y a la saisonnalité, la météo… Pour proposer de beaux produits au restaurant il y a un véritable travaille de « sourcing » d’intermédiaires.  J’ai tissé des liens forts avec mes fournisseurs et aujourd’hui ils n’hésitent pas à me proposer des poissons atypiques, comme le béryx un poisson à la texture entre le bar et la dorade royale. Avec eux j’ai un réel plaisir à découvrir de nouvelles variétés, comme en ce moment le pousse pied, un crustacé très peu connu qui vit fixé sur les rochers.

Vous êtes très sensibilisé à la pêche durable, quotidiennement comment l’appliquez-vous ?

Je suis toujours à l’écoute de mes fournisseurs et suis très arrangeant. J’ai été en mer avec eux, j’ai vu la difficulté de leur métier, alors je préfère suivre  « le courant » et ne fais pas ma diva côté commandes.

Mes fournisseurs, essentiellement les mareyeurs de Saint-Gilles Croix de Vie, savent que je veux des produits frais et  de qualité mais aussi que je suis prêt à cuisiner tous les poissons, coquillages ou crustacés qu’ils veulent me proposer.
Je travaille essentiellement avec des petits bateaux, ils partent pêcher le matin, ils mettent les poissons en cale au froid mais pas surgelés. Les poissons pêchés le matin, sont vendus à 14h et livrés dès le lendemain au restaurant. Nous travaillons en flux tendu et uniquement sur des poissons frais !

Pour les poissons exotiques je travaille ponctuellement avec Rungis mais même dans ce cas je fais attention à la saison et aux conditions de pêche.

Nous, consommateurs sommes tous responsables, c’est nous qui créons la demande et nous en tant que professionnel nous nous devons de montrer l’exemple.

Je m’implique beaucoup dans tout ce que je fais, et dans le choix de tous mes ingrédients, qu'ils viennent de la mer ou de la terre.
Un exemple, en ce moment c’est la fin du Bar (mars) et ceci afin de permettre la reproduction alors je ne vais pas leur en réclamer. Ce sont les pêcheurs qui m’ont sensibilisé, c’est en discutant avec eux que j’ai compris leur problématique.
Par contre c’est le début de la sardine alors on va en proposer durant toute la saison à notre clientèle.
Pour le thon rouge, qui est une espèce protégée, je travaille uniquement avec des petits thoniers qui respectent les quotas de pêche européens.
Pour le crabe royal, un vrai problème en mer de Norvège mais aussi un vrai régal dans l’assiette, je travaille avec la Norvège où je l’achète frais pour qu’il arrive vivant dans mes cuisines.  Par philosophie je ne le fais que vivant. Le crabe royal est un redoutable prédateur très vorace qui se nourrit de crevettes et de petits poissons. Ce sont les russes qui l’ont importé dans les années 60 pour pallier à la famine. Le problème c’est qu’aujourd’hui ils n’arrivent plus à le réguler et ils envahissent et vident toutes les mers du Nord.

Dans votre métier de chef cuisinier pour vous c’est « jamais sans mon… »

Sans mon équipe bien-sûr ! Sans un bon couteau, d’ailleurs j’ai encore mes couteaux de mon CAP. Tout bon pro à du mon matos.

Un souvenir en cuisine, une rencontre importante ?

Le jour où j’ai gagné le trophée le "Coq Saint Honoré", un prix qui n’existe plus. A l’époque j’étais sous chef au Il Palazzo.

La recette dont vous êtes le plus fier ?

Le cabillaud façon gravlaks, détournement d’une tradition ancestrale qui se fait à la base avec le saumon. C’est une recette que j’ai imaginée après mon premier voyage en Norvège, à l’occasion de la rédaction du livre « Pêche en Norvège ».

Votre accord met/vin parfait ?

En ce moment je suis fan du cépage Viognier, le cépage unique du Condrieu, un vin blanc fruité plein de minéralité, idéal avec des préparations crues de poissons.
Sinon chaque week-end je bois du champagne, une boisson symbolique d’un moment festif mais qui se suffit à lui-même !

Que trouve-t-on dans votre réfrigérateur ?

Du champagne bien sûr. Sinon je suis peu à la maison alors le week-end je fais mon marché de produits frais. J'y achete également du bon parmesan, des charcuteries italiennes et françaises.

Que trouve-t-on toujours dans vos placards ?

Du riz Carnaroli pour préparer un risotto de dernière minute, des pâtes, une grande variété de biscuits pour la pause comme des sablés bretons de la mère Poulard.

Quel est votre pêché mignon ?

Du chocolat noir, mais juste un carré ça suffit !

Une recette que vous faites en famille ?

Le poisson cru mariné à la menthe. Le poisson est taillé en lamelle comme un carpaccio, puis je le mets à mariner dans de l’huile d’olive, du citron vert, du gingembre râpé et de la fleur de sel. C’est facile et délicieux, en entrée ou en plat, j’adore !

Une recette que vous aimez que l’on vous fasse ?

Les plats que me prépare mon père à la campagne en hiver, du type pot au feu ou bœuf Bourguignon qui ont mijoté des heures.

Vos bonnes adresses gourmandes ?

L’Affriolé, un restaurant-bistrot dans le 7ème arrondissement avec carte à l’ardoise qui propose chaque jour  des plats concoctés par un passionné.
L’Affriolé – 17 rue Malar – 75007 Paris – Métro Invalide

La Granges des Agapes à Cogolin, un restaurant qui fait la part belle aux produits du terroir, que le chef Thierry Barot cuisine divinement. Une cuisine inventive et festive tout ce que j’aime.
7, rue de 11 Novembre 83310 Cogolin

Le Marché Wilson dans  le 16ème avec les légumes de Joël Thibaut un maraîcher de renom et le Marché Escudier à Boulogne. J’adore flâner sur ces marchés et découvrir de nouveaux produits.

La pâtisserie Hugo et Victor, Hugues Pouget y propose de superbes desserts, c’est beau, bon et créatif.
Pâtisserie Hugo & Victor – 40 boulevard Raspail – 75007 Paris – Tel : 01 44 39 97 73

Une astuce de chef pour bien choisir les poissons et les cuisiner ?

Je vais vous donner les critères de sélection pour bien choisir votre poisson. Tout d'abord il faut qu'il est l'oeil vif et bombé. Les ouïes doivent être rouge vif, bordeaux, brillantes et bien séparées, elles deviennent brunes voire noires en vieillissant.

Regardez la rigidité du poisson. Si le poisson est bien tendu et rigide il a été pêché à la ligne. Au filet l'arrête principale se brise et le poisson est courbé. Le poisson doit avoir une certaine tenu, quand on le touche avec le doigt il doit avoir une texture ferme.

Autre point important et visible du premier coup d'oeil ,le poisson frais doit avoir toutes ses écailles et quand on y va à rebrousse écailles elles doivent tenir. Et enfin pour être sûr d'avoir du poisson frais il vaut mieux choisir un poisson entier parce que sinon en filets vous ne pourrez rien vérifier.

Côté cuisson, toutes les méthodes peuvent être bonnes, ca dépend du poisson, de la pièce. Vous pouvez cuire le poisson en entier jusqu'à maximum 2 kilos, ensuite il faut le découper.

Dernière chose, il ne faut surtout pas surcuire le poisson !


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