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Vino Novello, le Beaujolais nouveau des Italiens

Véritable tradition italienne ou opération Marketing ? Zoom sur ce "vino business" qui arrive en Italie ce vendredi 30 octobre.

Vino Novello, le Beaujolais nouveau des Italiens

Vino Novello, le Beaujolais nouveau des Italiens

Le Vino Novello ou novello est commercialisé pour la première fois en 1987, à la suite du succès du Beaujolais nouveau apparu en 1951 - il y a donc moins de 30 ans. Ce qui n’empêche pas les législateurs européens et italiens de considérer qu’il y va là d’une « menzione tradizionale »  (mention traditionnelle), tant il est vrai que la notion de tradition est élastique.
Le succès étant au rendez-vous, le novello est reconnu par decreto ministeriale le 6 octobre 1989.

 Le novello ne peut être produit que dans les Indicazione Geografica Protetta (I.G.P.) et Denominazione di Origine Protetta (D.O.P./A.O.P.), pour autant que leur cahier des charges de production l’autorise.

Pour le surplus, le novello est élaboré dans toute la péninsule. Cette grande variété de terroirs empêche toute typicité. La prépondérance va au Nord (60 % de la production nationale) et plus particulièrement la Vénétie, suivi du Centre (Toscane) et du Sud.

 Le Novello en quelques chiffres !

En 2007, la Vénétie "pesait" plus de 5 millions de bouteilles soit, 30 % de la production nationale. Ajoutée à la Toscane, cela représentait plus de 50 %.

Cette même année, le plus grand producteur est le Consorzio Cavit di Trento, avec un peu moins d’un million de bouteilles soit quelques 7 % de la production totale (2008 : 862.000 cols).

La typicité n’est pas plus garantie - loin de là - dès lors que quelques 60 à 70 cépages peuvent être vinifiés en novello, soit en assemblage soit en mono-cépage.

Se taillent la part du lion les cépages dits internationaux ou assimilés : merlot, cabernet sauvignon suivis des sangiovese, montepulciano et barbera. On dénombre néanmoins quelques cépages autochtones tels que, aglianico, dolcetto, cannonau, cesanese, marzemino, primitivo, nero d’Avola, teroldego, ciliegiolo, corvina, refosco

Le Novello a émergé comme phénomène de niche dans les années 90, afin d’accroître la consommation chez les jeunes et gagner ainsi de nouvelles parts de marché.

Les ventes sont alors en hausse constante, partant en 1987 de 5 millions de bouteilles pour arriver en 1997 à 13,5 millions. Le novello a fini par conquérir tous les palais italiens et le succès des années 90 atteint son paroxysme en 2002-2003 avec 18 millions d’unités vendues. Mais depuis, les chiffres déclinent inexorablement chaque année avec en 2006, 15,6 millions de cols, en 2007 moins de 15, 2008 baisse à 13,5, 2009 les chiffres s'effondrent à 9 pour arriver en 2012 à seulement 4 millions de bouteilles vendues. Soit depuis le pic historique, en 10 ans, une diminution de 14 millions de bouteilles. Autrement dit une baisse de quelques 80 %.

Conséquence directe ou non, alors que depuis 1999, la date de mise sur le marché du novello était fixée au 06 novembre de l’année de récolte du raisin (officiellement, à cause de la maturité plus précoce des cépages, en réalité afin de précéder la mise à disposition du Beaujolais primeur), elle a depuis 2012 été avancée au 30 octobre.

Ne faut-il pas voir, dans cet anticipation de la mise en vente, qu’une tentative de contrecarrer la baisse des ventes ? En vain, car en 2014, la production n'était plus que d’un million de cols.

Quelles sont les raisons de ce déclin qui semble inexorable ?

Un millésime médiocre ou peu abondant ? Ce peut être une explication ponctuelle.

L’évolution du goût du consommateur vers des vins plus structurés, plus riches en alcool ? La diversification des canaux d’achat des pays importateurs ? La crise économique ? L’hygiénisme et la baisse de la consommation moyenne par habitant ? Tout ceci a sans doute eu quelque influence.

Mais la réalité pourrait bien être toute autre…

Le decreto 13 iuglio 1999 del Ministro per le politiche agricole stipule qu’au moins 30 % du raisin de l’année doit être vinifié par la méthode de la macération carbonique. Voilà une grande marge laissée doublement à la discrétion du producteur.

Première conséquence : le consommateur se voit donc proposer une large palette de vini novelli issus de la dite macération dans une proportion variant de 30 à 100 %. Typicité disions-nous ?!?

Pour le surplus, pour ne rien faciliter, il n’y a pas d’obligation de renseigner sur l’étiquette le pourcentage de raisins vinifiés en macération carbonique.

Seconde conséquence, sans doute pire sur le plan des principes ! Les 70 % restant peuvent être vinifiés de manière traditionnelle. Et il n’est pas nécessaire qu’il s’agisse d’un même millésime ! On suspecte dès lors que le novello soit utilisé pour éliminer les invendus des années précédentes : ce serait là une merveilleuse occasion de vider les entrepôts, de diminuer le coût du stockage et de se procurer des ressources financières…
Ce qui est un fort soupçon se répand progressivement auprès de l’Italien lambda.
Voilà la typicité du premier vin de l’année à nouveau mise à mal, dès lors qu’il ne serait pas nécessairement entièrement de l’année : un comble ! (01)

Un nouveau decreto 13 agosto 2012 del Ministro  delle  politiche agricole, alimentari e forestali voit donc ce taux porté à 40 %, un faible geste qui n’est pas de nature à changer quoi que ce soit.

Deux considérations pour en terminer !

Le Vino Novello s’avère n’être qu’une tour de Babel à seule visée économique.
Où est sa qualité réelle à l’égard du terroir ou du cépage ? Où est la spécificité de l’effet millésime ? De manière globale : où est la caractéristique de ce qui s’avère finalement n’être en réalité qu’un simple produit ?
Osons : le novello est-il finalement fondamentalement différent d’un simple vino da tavola (vin de table) ?

Enfin, force est de constater que le goût du consommateur ne se forge pas de manière durable à coups de marketing ou de normes légales.

 

(01) Paradoxalement, l’étiquette du novello doit renseigner le millésime… Certes, suivant une circulaire - mais ce n’est qu’une circulaire - du Ministro per il coordinamento delle  politiche agricole, alimentari e forestali, le vino novello doit être réalisé entièrement à partir du même millésime, avec interdiction d’assembler une autre récolte à raison de 15 %. Cela ne pourrait être qu’une manière de se donner bonne conscience dès lors que la norme européenne quant au millésime renseigné sur l’étiquette stipule qu’au moins 85 % des raisins utilisés aient été récoltés pendant l’année de récolte considérée.


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