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Interview de Stéphan Alleaume, ostréiculteur

des Parcs Saint Kerber à Cancale

Stéphan Alleaume ostréiculteur aux des Parcs Saint Kerber à Cancale ©Ludovic Le Guyader

Stéphan Alleaume ostréiculteur aux des Parcs Saint Kerber à Cancale ©Ludovic Le Guyader

Les huîtres, tout le monde ne parle que d’elles à l’approche des fêtes de fin d’année. Mais qu’en est-il des problèmes de surmortalités des naissains, trouverons-nous des huîtres à Noël ? Comment les ostréiculteurs vivent-ils cette crise ?

Autant de questions légitimes que nous nous posons tous en cette période et qui ne peuvent trouver de réponses qu’auprès de spécialistes. C’est pour y voir plus clair que nous avons rencontré, Stéphan Alleaume, oestréiculteur et directeur associé des Parcs Saint Kerber à Cancale, des Parcs qui depuis plus de 80 ans élèvent des d'huîtres plates et creuses qui font le bonheur des gourmets dans le monde entier.

C’est au Village de Paris-Bercy à l’occasion de la Fête de l’huître que nous avons partagé un café avec Stéphan Alleaume pour parler de son métier si particulier qui vit au rythme de la nature.

Stéphan Alleaume est un breton d’origine, mais il n’a pas commencé sa carrière dans les parcs à huitres. Non, au départ il se destinait plutôt à une vie artistique et il a d’ailleurs travaillé dans les galeries d’art à Paris. C’est la rencontre avec sa future épouse Véronique, petite-fille et fille d’ostréiculteur, qui l’a fait changer de voie. Les Parcs Saint Kerber ont été fondés par François Louvet, le grand père de son épouse il y a plus de 80 ans. En 1968 le beau-père  de Stéphan, Joseph Pichot reprend l’affaire, mais il a l’âme d’un voyageur et  devant la forte concurrence des ostréiculteurs en France, plus de 3 000 producteurs en 1968, il a l’idée d’aller voir par-delà nos frontières pour vendre ses produits. Pris d’abord pour un doux rêveur, il réussit le pari de vendre ses huîtres dans d’autres pays du monde, en commençant par l’Allemagne, puis le Moyen-Orient et enfin l’Asie pour arriver à 80% des ventes faites à l’export. Stéphan Alleaume a rejoint l’entreprise familiale en 1994, petit à petit il a gravi tous les échelons pour arriver en 2001 à reprendre 1/3 de l’activité, qu’il se partage aujourd’hui avec son beau-frère François-Joseph Pichot et ses beaux-parents.

Comment définissez-vous votre métier d'ostréiculteur ?

 Nous sommes des éleveurs d’animaux, dans notre jargon on parle de têtes et puis on balade les huîtres de parc en parc. C’est un métier très proche de la nature, nous sommes tributaires de la mer, des marées. Nous sommes dépendants de ce milieu mais également conservateurs de ce milieu, car pour élever des huîtres il faut un environnement propre et des eaux classées A, donc là où on élève des huîtres la mer n'est pas polluée.

Votre profession vit depuis plusieurs années une crise de surmortalité des naissains  qu’en est-il aujourd’hui ? Y a-t-il des solutions en vue ?

La surmortalité est toujours très importante et la baisse de la production atteint près de 40% comparée à celle de 2008. Actuellement nous avons des stocks et la demande est toujours là, mais il ne faut pas que les ventes partent trop vite à la hausse, sinon nous n’aurons plus de stock pour les fêtes de fin d’année (dans le pire des cas).

Au début de l’été nous pensions que le problème se calmait, mais il n’en est rien, encore 60 à 80% de mortalité en moyenne en France et sur Cancale nous sommes entre 50 et 60 %.

Pour l’instant il n’y a pas de vraies solutions en vue, en tout cas pas avant 2015-2016.

Une des solutions était le programme d’importation de souches externes. Le plus avancé était avec le Japon, mais après le Tsunami et l’accident nucléaire à Fukushima tout ça a bien-sûr été stoppé. Aujourd’hui nous sommes en discussion avec la Norvège et le Brésil, mais rien d’aussi avancé qu’avec le Japon.

Il faut bien comprendre qu’on ne peut pas faire entrer des souches externes comme ça. Il faut faire énormément d’analyses pour voir la compatibilité avec les nôtres et surtout tout vérifier pour qu’aucune souche ne vient introduire une autre maladie.

Le gros problème c’est que ce virus, qui a démarré en France, concerne aujourd’hui toute l’Europe.

Une autre piste explorée concerne la recherche sur le caractère résistant des naissains d’huîtres. Pour créer une huître plus résistante nous faisons se reproduire les survivantes, mais cela ne semble pas vraiment fonctionner. Des huîtres résistantes au virus ne produisent pas d'autres huîtres plus résistantes.

Quelles répercussions pour les producteurs et pour les consommateurs ?

Pour les consommateurs les prix ont augmenté de 20 à 30% l’année dernière et vont encore prendre 10 à 15 % cette année. Aujourd’hui nous sommes à un point d’équilibre entre l’offre et la demande. En clair nous avons perdu des consommateurs parce que pour certains le prix des huitres est devenu trop cher, la demande baisse donc légèrement et compense la baisse de la production.

Autre conséquence pour les consommateurs et pas des moindres la disparition des N°4, les plus petites. Il va en effet falloir s’habituer à des huîtres plus grosses, des 3, des 2,  des 1 et des 0 (les plus grosses). 

Du côté des producteurs c’est surtout un manque à gagner. Les entreprises se retrouvent fragilisées, les investissements sont bloqués. Pour vous donner une idée, sur Quiberon ils sortaient en 2008 près de 15 000 tonnes d'huîtres par an et bien cette année, en 2011 ils n'en sortiront que 3 000 tonnes. La Bretagne Sud est la région la plus touchée, parce qu’en plus du virus, les ostréiculteurs subissent des pertes dues aux prédateurs des huîtres, que sont les dorades et les étoiles de mer

Nos dépenses augmentent parce pour compenser la surmortalité nous devons mettre plus de naissains en captage, Chez nous le captage naturel représente 80%. Ce captage naturel se fait à Marennes et sur le bassin d’Arcachon.

Les 20% restants  sont produites en écloseries, c’est-à-dire en milieu fermé, la plupart se trouvent en Pays de Loire, sur Noirmoutier et en Normandie. 


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