Il est 11h30, ce mercredi 5 octobre quand nous nous présentons devant ce nouveau chai urbain des Vignerons Parisiens qui a pignon sur rue. A l’intérieur, le casse-croute est de rigueur ; le travail a commencé tôt, deux palettes de grenache vendangé la veille attendent d’être égrappées et encuvées.
Matthieu Bossier, le porteur de ce projet original est un passionné de vin. Cet ancien négociant en sucre qui travaillait en Suisse voyait d’un mauvais œil son retour sur Paris. Sa passion, c’est le vin. Pour lui une chose est sûre, ce retour ne peut s’entendre sans un métier autour du vin. C’est ainsi que, petit à petit, au fil des expériences et rencontres passées s’élabore le projet de vinifier sur Paris.
Frédéric Duseigneur, ancien vigneron, qui s’est initié à la biodynamie avec François Bouchet dès 1997 à Lirac, devenu depuis consultant, le rejoint. Les deux compères sont là ce 5 octobre, le premier pour nous recevoir, le second pour s’occuper du raisin fraichement arrivé. Emmanuel Gagnepain, l’œnologue et Michel Grupper le financier, absents ce jour-là complètent l’équipe.
La Genèse du Premier Chai Parisien !
Le temps de cette pause repas sur le pouce, le projet est détaillé. Une discussion à bâton rompu. Le premier étonnement concerne le transport frigorifié du raisin et son impact carbone. Matthieu Bossier balaye la contradiction d’un revers de main « Pour une bouteille le coût est marginal et l’impact carbone est moindre que lors du transport de bouteilles pleines ».
Même si, à l’évidence, les cuvées profitent des retombées de la renommée de Paris, les quatre fondateurs souhaitent travailler avec un raisin de qualité. Le réseau des Vignerons parisiens s’étant initialement développé en Vallée du Rhône, c’est là que se fait le sourcing du raisin. Très rapidement, des accords sont conclus pour l’approvisionnement en raisin cultivé, soit en agriculture biologique, soit en byodinamie.
La fraicheur est recherchée avant tout, donc le choix se porte sur des parcelles en altitude avec des vendanges avant maturité.
Quatre domaines adhérent au projet : Art mas, Coste Chabrier, Coste Chaude et Maravilhas.
Tout est en place, mais c’est du côté des douanes parisiennes que cela bloque. Le traitement informatique des déclarations est régional et le logiciel n’a pas prévu de production de vin à Paris intra-muros. Il faudra attendre un millésime pour que la petite case à cocher soit bien implémentée dans le logiciel. La solution de repli est de faire la vinification et l’élevage chez les vignerons partenaires. C’est ainsi qu’en 2015 le millésime est vinifié en Vallée du Rhône. Pour ce premier millésime, 18 000 bouteilles sont produites pour 5 cuvées. L’objectif pour 2016 est de produire 30 000 bouteilles avec un objectif à terme de produire 100 000 bouteilles par an.
Et le Chai fût !
En mars 2016, le chai ouvre enfin ses portes. Une grande amplitude horaire permet l’accueil du public, soit pour de simples visites, soit pour des cours d’initiation à la dégustation voire d’apprentissage de la vinification des blancs ou des rouges. Il y a une véritable volonté pédagogique à montrer aux citadins comment on fait du vin.
Si le chai compte deux étages, salle de dégustation et cuvier au rez-de-chaussée, élevage en fût au sous-sol, l’espace est restreint et doit être géré avec intelligence pour permettre de mener à bien les travaux de la cave de l’égrappage à la mise en bouteille finale.
Alors que l’agitation en cave se focalise sur le millésime 2016, paradoxalement l’accueil du public, juste à côté, est serein permettant de découvrir le millésime 2015.
Les deux cuvées plaisirs élevées en cuve inox sont à partager lors d’apéro festif. Lutèce 2015 (50% Viognier, 40% Grenache blanc et 10% de Roussanne, le tout bio), Turbigot 2015 (100% Cinsault en biodynamie à partir de vignes de 40 ans). Ce dernier est non filtré et présente une robe légèrement trouble. Des vins gouleyants dont les bouteilles se finissent vite. Un prix modique, environ 14€, pour un produit presque pur jus parisien.
Il existe trois autres cuvées avec un élevage plus long en barriques bourguignonnes de 600 litres. Les fûts sont de la tonnellerie Rousseau, réputée pour produire des fûts amenant les vins sur la fraicheur. Les Templiers 2015 est un 100% Grenache vendangé à Visan, Haussman 2015 un 100% syrah de Visan aussi et An 508 (date à laquelle Paris devint une capitale) est un 100% Grenache blanc sur argilo-calcaire et sable. La mise est récente et les vins sont encore à l’étroit en bouteille. Haussman est prometteur mais demande un carafage (la bouteille dégustée a été ouverte la veille).
Des trois, An 508 dégusté à température ambiante et non rafraichi s’est montré véritablement bluffant avec sa bouche enveloppante et un bel équilibre entre la tension et le gras. Le blanc est à 17€90 et les deux rouges à 19€50.
Le sulfite est peu utilisé, uniquement à la mise et de l’ordre de 40mg/l. Le pressurage des blancs se fait à la carboglace afin d’éviter des phénomènes d’oxydation. Dans la même logique, le cuvier est au rez-de-chaussée et les fûts au sous-sol, ce qui permet de travailler par gravité.
Pour la vinification, il n’y a pas de levurage et le travail se fait à partir de levures naturelles. La microbiologie parisienne peut donner naissance à d’intéressantes dégustations comparatives entre le millésime 2015, vinifié chez les vignerons, et le millésime 2016, vinifié intra-muros. De même, la dégustation comparative d’un même millésime vinifié chez le vigneron et vinifié à Paris, promet des dégustations animées autour des bouteilles. N’est-ce pas le plaisir du vin, partage et convivialité ?
Une initiative à suivre mais surtout à encourager !
Les vins sont disponibles au chai, sur la boutique en ligne ou dans quelques points de vente dont Le Bon Marché.
Les Vignerons parisiens
55 rue Turbigo
75003 Paris
Pour les suivre sur Facebook et sur Instagram
Commentaires