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La guerre du Fooding® continue

Ou quand un mot inventé entre dans le langage courant mais est pourtant une marque déposée, c'est le syndrome frigidaire !

©Ludovic Le Guyader pour Ideemiam®

©Ludovic Le Guyader pour Ideemiam®

Reprenons les choses depuis le début. Le Fooding® est un guide aujourd'hui bien connu des aficionados gastronomes adeptes de la bistronomie et qui a su se positionner sur des restaurants souvent non référencés dans le Michelin et qui pourtant proposent une cuisine gourmande dans une ambiance "top feeling". L'idée du nom Fooding® a germé dans la tête d'Alexandre Cammas, l'un des fondateurs, en contractant deux mots anglais "food" pour le côté miam et "feeling" pour l'atmosphère.

On résume : Fooding® = Food + Feeling !

Voilà donc 15 ans que nous suivons ce guide toujours avec intérêt, même si, pour être les premiers à parler d'une adresse, il leur est arrivé de vanter un peu trop vite, voire de primer, une table alors qu'elle n'était pas encore ouverte  (pour ceux qui ne suivent pas nous faisons ici référence à l'affaire du restaurant Le Dauphin, la deuxième table d'un chef très Fooding® Inaki Aizpitarte, primée pour sa "déco" alors qu'elle n'était pas finie).

Bref, rendons à César ce qui est à César, ils savent dégotter les bons plans et pour bien des restaurateurs, des bistrotiers ou néobistrotiers, être dans le Fooding®, sur leur site ou dans leur guide papier, est une aubaine qui amènera à coup sûr des tas de foodeurs toujours en quête de bonnes adresses. Donc jusque-là tout va bien. Mais depuis quelques temps le bureau du Fooding® sévit auprès de tous ceux qui auraient le malheur d'utiliser ce fameux mot "Fooding", un mot qui aujourd'hui semble pourtant bien banal et qui est même totalement entré dans le langage usuel des petits frenchies qui adorent les anglicismes (la rançon du succès) comme footing, drinking, loving, clubbing...

Nous avons découvert ces batailles, lors de l'affaire Picard et de leur campagne "Globe Fooding", un cas d'école relayé par les Inrocks dans un article "Le Fooding piqué par Picard" dans lequel on apprend que le Bureau du Fooding® a déjà dû attaquer Playmobil pour un sticker la “Semaine du fooding” apposé sur un Playmobil cuisinier, mais aussi la société Orange et sa publicité pour une nouvelle offre Internet faisant rimer “fooding”, “cocooning” et “rentring”. Et c'est bien normal car ce sont aussi des marques et c'est assez courant chez les industriels de jouer sur ce terrain, ils ont même des services juridiques dédiés aux droits des marques pour parer aux attaques. Pourtant, dans une affaire qui remonte à 2006, il s'en est fallu de peu pour qu'Alexandre Cammas perde sa paternité sur ce mot. En effet dans une affaire qui les opposait à la marque Fleury Michon et au Chef Joël Robuchon avec leur gamme "Fooding sensation" la cour d'appel avait taclé en 2007 le Fooding® leur demandant même 5 000 € de dommages et intérêts. Mais l'équipe du Fooding® ne s'était pas démontée et s'était pourvue en cassation remportant au final cette bataille et obtenant ainsi gain de cause. En plus de défendre le droit à "leur" marque c'est surtout sur l'amalgame que leur public pouvait faire entre eux qui les a sauvés.

Le Fooding® victime du syndrome Frigidaire®

Mais ces querelles (souvent justifiées) qui se répètent font déjà beaucoup jaser chez les foodeurs de tout poil, leur public, qui commencent à trouver qu'au Bureau on a un peu pris le melon et qui ne comprennent pas bien pourquoi on n'a plus le droit d'utiliser le mot Fooding® en France, puisque pour nombre d'entre eux, ce mot est devenu courant.  Et c'est là que commence le syndrome "Frigidaire", ce moment où la marque se voit dépossédée de son nom puisque son nom est devenu l'objet pour le public. Pour ceux qui ne suivent pas le Frigidaire (ou Frigo) est devenu le mot usuel pour réfrigérateur alors que c'est une marque déposée américaine, tout comme Caddie, Thermos, Cocotte-Minute et bien sûr Coca. Bref pour certains on marche sur la tête, surtout qu'avec les réseaux sociaux et particulièrement Instagram on "speak english" à tout va et on #Foodporn #foodphotography #Foodpic bref on "Fooding" de plus en plus...

Couverture du Guide du Fooding® 2016
Couverture du Guide du Fooding® 2016

Et c'est bien là qu'ils deviennent beaucoup moins drôles et qu'on ne voit pas bien pourquoi cet acharnement à se faire des ennemis. La dernière attaque en date s'est faite via un mail envoyé par le bureau du Fooding® à Arte radio pour demander à l'émission "Free Fooding" de changer de nom pour le remplacer par "food". Et comme à chaque fois de répéter que le Fooding®, est une marque déposée qui doit justifier d'une licence d'utilisation pour toute exploitation....
Ce à quoi Arte Radio a répondu (et partagé cet échange sur sa page FaceBook) avec beaucoup d'humour à cette demande, les plaignant de passer leur journée à googler le nom de leur boite pour embêter les gens et les imaginant sursauter dès que quelqu'un allait faire un "footing". Arte Radio précise en effet que ce titre faisait partie d'une série de sketches créer pour les J.O réservés aux parisiens, avec le Metroing, le name dopping-pong et le free-fooding relatif aux gens qui mangent à l'œil dans les vernissages de la capitale, rien à voir donc avec le fameux guide. L'auteur de la réponse allant même jusqu'à "les emmerding eux et leurs avocats".

Il est clair qu'ici nous ne sommes plus dans une guerre de marques, mais bien dans une réaction épidermique du Bureau du Fooding® face à l'utilisation de ce mot, qui rappelons-le leur appartient. Mais ici le Fooding® ne devrait-il pas plutôt y voir un hommage, et être plutôt fier d'avoir inventé un mot (tout le monde ne peut pas en dire autant) qui a fini par entrer dans le langage courant (au point que l'on pense qu'il a toujours existé), même s'il est vrai que dans ce cas, il deviendra surement plus compliqué de le défendre, mais pas impossible.

Ce genre de réclamation peut, aujourd'hui, sembler grotesque et mesquin et cette bataille, pour préserver ce nom coûte que coûte, risque bien de se terminer par un nouveau renvoi pur et simple des demandeurs qui pourraient surtout à terme se faire définitivement rembarrer par un magistrat qui considèrera que ce mot n'appartient plus qu'à un bureau mais à tout le monde. Et surtout à force de crier au loup, le bureau risque de lasser les Foodingues de lui en ternissant son image d'une équipe jeune, cool, branchée, dynamique et sympa !

Et espérons qu'ils ne nous attaquent pas pour avoir osé vous parler de tout ça !


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