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Interview de Scarlette Le Corre, Marin-pêcheur

Elle pêche, elle cultive, elle transforme, elle cuisine et elle cause...

Scarlette Le Corre, Marin-pêcheur au Guilvinec ©Ludovic Le Guyader

Scarlette Le Corre, Marin-pêcheur au Guilvinec ©Ludovic Le Guyader

« C’est pas  l’homme qui prend la mer c’est la mer qui prend l’homme !!!! » et bien avec Scarlette Le Corre les paroles de cette célèbre chanson de Renaud devront être changées, car avec elle la mer a pris la femme et  ça depuis qu’elle est toute petite. 

Une femme marin c’est si rare et pourtant quand vous rencontrez Scarlette Le Corre, ça devient ensuite une  évidence tant cette femme est passionnée par son métier.

Nous avons craqué pour ce petit bout de femme d’1,50 m rencontré dans les allées du salon Saveurs, la seule femme marin pêcheur connue en France.  Scarlette Le Corre est aussi le seul marin-pêcheur à transformer ses produits (soupe de poisson, foie de lotte, rillettes de la mer…) et à les vendre en direct sous son nom. Et comme si cela n’était pas suffisant, Scarlette nous réserve une autre surprise, celle de cultiver et de cuisiner les algues qu’elle transforme en tartares, confitures et autres recettes dont elle a seule le secret. Voilà en gros pourquoi nous ne pouvions passer à côté d’une telle personnalité.

Née à la Torche d’un père breton et d’une mère vendéenne, elle a su dès son plus jeune âge que sa vie serait liée à la mer. Mais à l'époque pas question pour ses parents de la voir devenir marin. Elle enchaîne alors les jobs, elle sera même esthéticienne, mais plus que tout c’est sur un bateau qu’elle veut faire voguer sa vie.

En 1983 elle prend enfin la mer seule sur son bateau. Le métier est dur, physique et souvent dangereux, mais Scarlette Le Corre est une femme de caractère qui n’en fait qu’à sa tête et ça lui réussit. Aujourd’hui totalement intégrée à ce monde toujours très masculin, Scarlette est fière d’avoir été  la digne représentante des marins du Guilvinec et d’avoir bec et ongles défendu leurs droits face à une Europe injuste et écrasante. En vraie rebelle, Scarlette a su fédérer les marins-pêcheurs, quand il a fallu se défendre en 1994 contre les accords de pêches passés avec le Maghreb. Peine perdue.

Mais Scarlette Le Corre n’est pas de celles qui baissent les bras, pour continuer à vivre de sa passion et à joindre les deux bouts elle se lance alors dans la culture d’algues.

Elle se bat également pour obtenir une appellation pour le Bar de Ligne et est fière d’avoir réussi à imposer cette étiquette.

Aujourd’hui Scarlette navigue toujours au large du Guilvinec, seule sur son bateau  « Mon copain J.P. »,  elle gère également la transformation des produits de sa pêche dans son atelier du Guilvinec qu’elle vend sur place ou par correspondance. Et comme les journées ne sont jamais assez remplies pour Scarlette elle s’est lancée depuis peu dans les cours de cuisine autour des algues.

Comment définissez-vous votre métier ?

Je suis Marin-Pêcheur ! Je fais tout, la pêche, la culture, la récolte, je transforme, je vends.
Pour moi c’est le plus beau des métiers même si il est très dur. D’être la seule « maître » à bord me donne un tel sentiment de liberté.

Que répondez-vous à ceux qui accusent les marins de vider les Océans ?

Que ce sont des mensonges, que les petits marins-pêcheurs comme moi ne vident pas les océans. En France il y a actuellement 42 000 marins-pêcheurs qui n’ont aucun intérêt à vider les Océans. Vous savez on est souvent pêcheurs de père en fils alors il n'est pas question pour nous de ne rien laisser à nos enfants.
Je crois plutôt que c’est la pêche industrielle, celle qui reçoit toutes les subventions, qui détruit le travail de régulation que s’évertue à faire les petits marins pêcheurs.

Savez-vous qu’en l’Aquaculture, l’élevage en ferme de poissons, il faut compter 6 ans entre la ponte et le moment où vous allez pouvoir manger le poisson et que pour nourrir ces élevages il faut des tonnes d’autres poissons pêchés eux dans la mer. Elle est où la logique la dedans ?

Le problème c'est qu'on n’écoute pas les marins alors qu'eux sont en prise directe avec la mer. Pour enfoncer le clou l’industrie de l’aquaculture fait de la désinformation pour inciter les consommateurs à se tourner vers la consommation de poissons d’aquacultures plutôt que celle des poissons de pêche.

Dans votre métier pour vous c’est « jamais sans mon… » ?

Mon bateau, sans lui je ne suis plus un marin.

Comment se déroulent vos journées ?

Je démarre mes journées vers 6h pour partir seule à la pêche sur mon bateau, ensuite vers 9h30 je vais vendre mon poisson sur le marché et ceci jusqu’à environ midi. A 14h je retourne à mon atelier au Guilvinec pour la transformation des algues et des poissons que je n'ai pas vendus. J’assure également la vente directe de mes produits et m’occupe des papiers et commandes en cours et ceci jusqu’à 19h. Ensuite le soir je repars en mer.

Un souvenir ou une rencontre importante ?

Je ne me souviens plus de son nom, mais c’est sans conteste le Monsieur qui était aux Affaires Maritimes à Saint-Guénolé et qui a bien voulu m’embarquer le premier.

Quel ingrédient vous inspire ?

Tout m’inspire et surtout les algues. Imaginez qu’avec 5g d’algue on couvre tous les besoins journalier en nutriment. D'ailleurs je m'en tartine tous les matins et je suis toujours en forme.

La recette dont vous êtes la plus fière ?

Le foie de lotte à la wakame, algue d’origine japonaise que je cultive. L’alliance de la pêche au large et la pêche côtière. Le rapprochement de deux métiers qui se côtoient et qui ne se connaissent pas.

Votre accord met/vin parfait ?

Le foie de Lotte avec un verre de Muscadet sur Lie, un Chablis ou un Sancerre. Un vin blanc avec ce petit côté mer.

Que trouve-t-on dans votre réfrigérateur ?

Du poisson

Et dans vos placards ?

Du chocolat

Quel est votre pêché mignon ?

Mon chocolat aux algues.

Une recette que vous faites en famille ?

Je fais plein de choses, ragout, pot au feu, mais aussi du poisson avec un simple court-bouillon et que je sers avec une sauce très légère. J’adore cuisiner, j’ai appris avec mon père qui était un vrai cordon bleu

Une recette que vous aimez que vous fasse ?

La viande que me prépare mon mari.

Vos bonnes adresses gourmandes ?

Le restaurant Les Ondines à Saint Guénolé, un restaurant de poissons extraordinaire situé à 50m de la plage. Rue Pasteur 29760 Saint Guenole – Tel 02 98 58 74 95 – www.lesondines.com

La crêperie Men Lann Du (le rocher du roi) pour déguster de succulentes crêpes de blé noir ou de froment. Route de penmarc’h – 29 720 Plomeur – Tel : 02 98 82 01 06

Le marché des produits Bigoudens les mardis et dimanches au Guilvinec, les producteurs viennent vendre en direct leurs produits sur le marché.

Si vous vous deviez donner une astuce pour cuisiner le poisson ?

Ne jamais trop cuire le poisson, ni le frire. Déposez le poisson dans l’eau froide salée, faire monter l’eau à 99° (dès que ça frissonne), ensuite vous éteignez le feu et vous laissez le poisson cuire 20 minutes pour un poisson entier. Servez-le avec une sauce au beurre et un peu de Wakamé.


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