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Eloge politique du chocolat par Serge Guérin

« On ne devrait pas déguster un chocolat par inadvertance. »

Eloge politique du chocolat par Serge Guérin

Eloge politique du chocolat par Serge Guérin

Serge Guérin est un amoureux fou du chocolat. Non pas le passionné qui accumule et consomme sans partage mais à l’inverse celui qui s’émerveille et partage : « Je n’ai jamais mangé de chocolat tout seul ».
Pourtant rien ne le prédestine à réfléchir à cette passion qui l’anime. En effet Serge Guérin est sociologue. Spécialiste du vieillissement et des nouvelles formes de solidarité, ses travaux  et ses réflexions sur le « care » en ont fait le spécialiste en France sur le sujet. Enseignant à l’ESG Management School à Paris, il est auteur d’une vingtaine d’ouvrages mais est aussi contributeur à des ouvrages collectifs et écrit dans des revues à comité de lecture. Un homme de renom que confirme son entrée au Who’s who. On est donc peu enclin à l’attendre sur le terrain du chocolat.
Pourtant c’est plus fort que lui, il a besoin de s’exprimer sur son péché mignon : le chocolat.

Après avoir publié deux ouvrages sur le sujet dont un en collaboration avec Vincent Dallet chocolatier à Reims, le voici de retour avec un abécédaire, « Eloge (politique) du chocolat ». Ode à la dégustation - « On ne devrait pas déguster un chocolat par inadvertance. » - cet éloge est bien loin de la monographie ou du livre de recettes ; il se veut politique. L’auteur rejette le chocolat bon marché ainsi que le chocolat blanc leur préférant des chocolats d’artisans. Bon, le chocolat est habillé de toutes les vertus ; à la fois élixir de joie et « contrepoint à cette période désespérante », éthique de l’attention, théorie pratique du « care », de la fraternité joyeuse et de l’hospitalité lorsqu’on le partage, il aussi lutte contre le vieillissement etc ... « Déguster du bon chocolat en compagnie de belles personnes est certainement l’un des meilleurs antidotes au procès en vieillissement ».

Le chocolat offre du talent à l’existence, met du génie dans chaque jour et de l’élégance dans chaque rencontre

Les entrées de l’abécédaire sont diverses et parfois aussi bien matières à enseignement qu’emplies d’une sagesse profonde. La diatribe sur le chocolat blanc ne laisse pas indifférent : « Je n’ai que mépris et indifférence pour ce qui concerne le chocolat blanc. S’il s’agit de s’enivrer de lait sucré autant ouvrir une boite de lait concentré Nestlé. (...) Soyons francs, les tablettes de chocolat blanc représentent l’uniformité de vies trop étriquées. C’est de la gastronomie pour congrès de notaires. »
S’il n’hésite pas à égratigner l’industrie agro-alimentaire qui a pervertie ce produit, il ne résiste pourtant pas au charme d’un bon Cacolac. Sous le plume de Serge Guérin cet éloge devient effectivement politique reflet des transformations sociétales que connait notre pays - « Il est une pause en soi et accompagne la civilisation des RTT. » - et si notre monde se laisse emporter par la marchandisation, le chocolat est un moyen d’y résister. « Le chocolat s’inscrit dans cette exigence démocratique (ndlr : l’intimité) qui récuse le marché total et introduit une société de la convivialité. »
Entre l’essai et l’abécédaire, ce livre ne laisse pas indifférent. Tout amateur de chocolat sera comblé et le néophyte y puisera matière à réflexion pour repenser ses modes de consommation et sa perception du chocolat.
« Oui, je l’affirme : le chocolat est une forme de spiritualité de la convivialité qui ouvre à la médiation et à la confiance.(...) Le chocolat est un luxe pour temps de paix. Servi par un artisan artiste et amoureux du cacao, il peut toucher au sublime, au merveilleux, au monumental, au divin, à l’inouï. Le chocolat transcende la matière et irradie la nature. »


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