Amertume : voilà le maître mot !

Ils ouvrent en 2010 leur brasserie flambant neuve à Dottignies (à proximité de Lille).
Bacelle et Devos visent le niveau de qualité le plus élevé selon leurs normes, en l’occurrence un retour à l’amertume des bières des années 1960 avec la volonté de continuer à travailler dans l’esprit d’un hobby artisanal.

Sont utilisées uniquement des matières premières naturelles, sans additif ni moyen artificiels.
Bacelle et Devos respectent les méthodes traditionnelles sans renier les nouvelles technologies - telle la gestion par ordinateur -  pour autant qu’elles améliorent la qualité.

La spécificité des deux maîtres-brasseurs est d’opérer avec des cônes de houblon entiers achetés une fois l’an juste après la récolte en septembre, à Warneton chez Luc Lagache et Gerda Lefevere, seuls houblonniers de Wallonie. Ces derniers travaillent sans produit chimique, fabriquant eux-mêmes leur bouillie bordelaise. Bacelle et Decelle  ne veulent utiliser ni extrait ni pellet de houblon.

De Ranke n’introduit dans le brassin que des cônes de houblons frais non-séchés cueillis le matin même ou au plus tard la veille (uniquement pour la cuvée « Hop Harvest 201x ») ou séchés.
C’est la partie centrale poudreuse jaune de la fleur (la lupuline) qui confère à la bière son amertume laquelle se calcule en International Bitterness Unit (ou Unités Internationales d’Amertume) : plus l’I.B.U. est élevé, plus l’amertume est importante. Alors que pour la plupart des bières commerciales l’I.B.U. se situent entre 10 et 25, la cuvée « XX Bitter » atteint 55 à 66 I.B.U.

Le brassage du moût et du houblon s'effectue dans une cuve à ébullition à feu nu direct, méthode qui n’est plus utilisée que par dix brasseries en Belgique. Pour la cuvée « Guldenberg », le houblon est utilisé comme amérisant et comme aromatisant étant ajouté en début et à 20 minutes de la fin de l’ébullition. Quant à la cuvée « Père Noël », une pointe de réglisse est ajoutée en fin de processus.

Toutes les bières sont de fermentation haute (entre 18 et 30 ° C) sauf la « Kriek » et la « Cuvée » qui sont de fermentation mixte, c’est à dire de fermentation haute et d’oxydation d’une part et de fermentation sauvage suite au coupage avec du lambic d’autre part :
- la « Kriek » est un assemblage de deux types de bières acidulées. D’abord, une oxydation par exposition à l’air d’une bière brassée par De Ranke (70 %). Ensuite fermentent les cerises fraîches acidulées d’origine polonaise (variété Lutowka) à raison de 800 kilos pour 350 litres de bière pendant 6 mois. Une fois les cerises retirées intervient le coupage avec le lambic (30 %) de la brasserie Girardin implantée dans la région du Pajottenland à l’ouest de Bruxelles, coupage suivi de 6 mois de murissement en bouteille,
- Pour la « Cuvée », le processus est identique mais sans cerises. La maturation de la bière se déroule pendant 4 semaines : à ce moment-là, la bière ne mousse pas. C’est à ce stade-ci que seule la cuvée « Guldenberg » bénéficie d’un ‘dry hopping’ : des fleurs de houblon identiques à celles utilisées pendant l’ébullition sont ajoutées à raison d’un gramme par litre (houblonnage ‘à cru’ ou ‘à froid’).

Ni filtration ni centrifugation quelque soit la cuvée : la clarification est naturelle.
Nulle pasteurisation pour éviter toute perte de goût.
Toutes les cuvées connaissent une double fermentation étant l’ajout de sucre et de levure lors de la mise, ce qui entraîne une refermentation avec saturation naturelle en CO2 d’où un col riche en mousse et un léger dépôt de levures.

De Ranke propose actuellement huit marques.
Sont déclinées cinq cuvées classiques :
la « XX Bitter » (6 %). L’amertume de cette blonde est très prononcée d’où son nom. Apparue en 1996, elle fut à son époque la bière la plus amère de Belgique. Elle a fait la renommée de la brasserie même si les débuts de sa commercialisation furent difficiles vu son goût à l’opposé des standards plus sucrés de l’époque,
la « Kriek De Ranke » (7 %). Cette bière rouge se caractérise par son fruité, avec très peu de sucre résiduel,
la « Cuvée De Ranke » (7 %). A l’aspect ambré, cette cuvée émoustille les papilles par son côté aigre-doux,
la « Guldenberg » (8 %). Cette bière blonde dorée produite en fin de saison oscille entre doux et amer,
la « Noir de Dottignies » (9 %, soit la bière la plus forte de la brasserie). La robe est brune, presque noire, et le palais entre doux et amer.
Deux cuvées annuelles sont brassées ponctuellement :
la « Hop Harvest 201X » (6 %). Cette cuvée blonde est brassée depuis 2010 avec des houblons fraîchement récoltés et non séchés. Produite une fois l’an, elle est millésimée. Si le principe reste, la recette change chaque année. D’un amer herbacé, elle évoque les agrumes et les épices,
La « Père Noël » (7 %). Une bière de Noël ambrée, fortement amère.
Une bière spéciale étoffe le catalogue : la « Saison de Dottignies » (5,5 %). Cette blonde ambrée décline une autre saveur : pas trop amère,  elle évolue plutôt sur la fraîcheur.
Il ne faut pas oublier la « XXX Bitter » (6 %). Brassée spécialement pour les U.S.A. (une production pour l’Europe est envisagée), il s’agit de la « XX Bitter » dont les houblons sont augmentés dans la proportion de 50 % pour une bière à la fois plus amère (de l’ordre de 10 %) et plus aromatique.

Actuellement, ce sont 3.500 hl/an que réalise la brasserie.

Dès le début, De Ranke s’est orientée vers l’exportation et plus particulièrement les U.S.A. et y a profité du boom qui y existait dans les années 1980-90 avec l’apparition de micro-brasseries locales. Actuellement, la production est destinée à raison de 60 à 65 % à l’exportation dans plus de 20 pays dont la France. Mais le taux est monté naguère jusqu’à 80 %, signe du désintérêt, à l’époque, du marché belge pour les bières produites par la brasserie. Depuis lors, elle y a trouvé ses lettres de noblesse.

Proost* !

Où en trouver en France ? :
La Capsule : 25, rue des 3 Mollettes à 59000 Lille.

* ‘Santé’ en néerlandais.

Olivier Mercier


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