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Tradition culinaire du village de Maze sur l'île d'Honshu, le Japon gastronomique version roots !

Loin des chefs stars tokyoïtes et des étoilés du levant, le village de Maze dans les montagnes reculées de la province de Gifu, offre des produits de terroir remarquables et une tradition culinaire surprenante et encore méconnue.

Tradition culinaire du village de Maze sur l'île d'Honshu, le Japon gastronomique version roots !

Tradition culinaire du village de Maze sur l'île d'Honshu, le Japon gastronomique version roots !

1 375 âmes veillent sur les vallées profondes creusées par la rivière Maze. La région, au sud des Alpes japonaises (sur l’île de Honshu) était prospère il y 300 ans grâce au mines d’acier qui alimentaient les fabriques de sabres et aux ateliers de soierie. 

Aujourd’hui l’industrie a quitté le navire, laissant les montagnes, leurs habitants et leur mode de vie quasiment intacts !

Maze, un des plus beaux villages du Japon - SAVORJAPAN ProjectAssociation

Découvrant la région, on y rencontre une petite communauté vieillissante mais incroyablement dynamique et joyeuse. Oui, les jeunes sont presque tous partis en ville, mais les anciens vivent heureux, en autonomie alimentaire quasi-totale et en harmonie avec ces paysages grandioses. D’innombrables ruisseaux de montagne alimentent chaque foyer d’une fontaine d'une eau divinement pure dont les murmures résonnent dans le village !

Vallée du village de Maze - SAVORJAPAN ProjectAssociation

Apprenant que je suis français, le maire du village me confie que le parc de Chartreuse a inspiré Maze dans sa démarche de préservation du patrimoine. Fleuron des « Plus beaux villages du Japon », (une association elle-aussi tirée d’une initiative française) cette bourgade offre, dans un cadre idéalement préservé, une palette de mets et de traditions aussi délicats que sincères.

Haute cuisine Japonaise (environ 700 m alt.)

Paysans authentiques, les habitants n’en sont pas moins des gastronomes éclairés et subtils. Si les légumes sont rustiques, leur préparation, les associations de saveurs et la présentation surprennent par leur simplicité virtuose. Témoin, ce magnifique navet écarlate conservé dans une saumure maison. Les feuilles du navet sont également de la partie et non content de renforcer le rouge sublime du légume, elles offrent une texture à la fois craquante et soyeuse tout à fait particulière.

On peut également déguster le « yurine », un bulbe d’une variété de lys qui sous la dent rappelle le gingembre alors que son goût se rapproche de celui de la pomme de terre.
Ici, le miso est concocté avec du soja mais aussi de l’orge cultivé dans le village. On le savoure notamment associé à des noix sur des daikons. 

Autonomes, les habitants de Maze fabriquent leur propre charbon, cultivent leur riz et préparent un mochi singulier autour duquel s’organise la tradition du Hana Mochi.

L'arbre à Mochi, Hana Mochi une des spécialités pittoresque de ce village - SAVORJAPAN ProjectAssociation

 Hana Mochi, l'arbre à Mochi ou le délice de l’attente

C’est une extraordinaire sculpture-friandise que l’on admire patiemment deux mois avant de la déguster !
La coutume locale remonte à la période EDO (1600-1868). Dans cette vallée reculée, aucune fleur ne pouvait être ramassée ni importée pour égayer les décorations du jour de l’an.

Traditionnellement, plus l’arbre est grand, plus la famille est aisée

Les familles prirent alors l’habitude de confectionner des semblants de fleurs blanches et rouges avec de la pâte de riz (écrasée avec un maillet de bois dans un creuset de pierre) qu’ils attachaient sur des branches, créant ainsi l’apparence de compositions florales, d’où leur nom de Hana (fleur) Mochi (gâteau de riz).
L’atelier se déroule en famille environ une semaine avant le jour de l’an et la réalisation devient l’attraction du foyer. Traditionnellement, plus l’arbre est grand, plus la famille est aisée. On compte parfois jusqu’à 10 000 boulettes de mochi accrochées à des branches de saule que l’on suspend à la charpente de la maison.
Au bout de quelques semaines les mochi, en séchant, se détachent des branches. Tombant à terre, ils font la joie des enfants qui se précipitent pour les ramasser !
A l’apparition des premières fleurs fin février, on fait frire ces mochi dans de l’huile de colza avant de les savourer enfin en famille.

Giboyeuse vallée...

Inutile de passer une semaine sur place pour se rendre compte que les promoteurs ne se battent pas pour investir la région. L’immense majorité de la campagne montagneuse est peuplé de cyprès, de cèdres, d’érables, de chênes et accessoirement d’ours !

Les chevreuils et les sangliers qui pullulent n’hésitent pas à venir déguster les productions humaines. Hasard du calendrier, une battue organisée quelques jours auparavant me donne l’occasion de déguster au débotté un yaki niku (barbecue) de chevreuil, juteux et étonnamment sucré. A Maze, la marinade du «gibier» (le mot français est utilisé au Japon) est composée d’ail, de romarin, et de miso maison qui accompagnent la viande pour une marinade courte de quelques heures.

Pêche dans le Maze - SAVORJAPAN ProjectAssociation

 … Et divin poisson sucré

And now the « pièce de résistance » ! Voici la madeleine de Proust de tant de japonais ! Associé aux beaux jours, le Ayu est consommé grillé et parsemé de sel, surtout pendant les festivals d’été. Ce salmonidé, nageant à contre courant, est réputé plutôt coriace à attraper.

Dans la région, on le pêche encore avec des cormorans dressés, so chic ! Mais aussi en exploitant une particularité de ce poisson. Les pêcheurs m’apprennent que l’ayu est doté d’un caractère farouchement territorial. On utilise donc un appât de la même espèce sur lequel la proie va se jeter afin de protéger son espace. A Maze les villageois organise en été une grande fête près de la rivière. Les hommes allument des lanternes juste au dessus de l’eau et les poissons attirés sont pêchés à la main et dégustés le soir même !

chaque rivière donne au Ayu un parfum différent…

Détail charmant : s’il est quasi toujours présenté en forme de S dans l’assiette, c’est tout simplement pour évoquer le gracieux mouvement de sa nage.

Ayu, Traditions culinaires du village de Maze sur l'île d'Honshu - SAVORJAPAN ProjectAssociation


Gustativement, l’Ayu est réputé pour sa chair unique, délicate et sucrée. Ne se plaisant que dans les eaux les plus pures, il est associé à des environnements protégés. Ici on lui trouve une saveur proche du concombre ou du melon. On dit aussi que chaque rivière donne au Ayu un parfum différent…

Irori time !

Rassemblés autour du foyer traditionnel (le Irori), dégustons à présent le matcha (poudre de thé vert) alors que sur le foyer jouxtant les ayu grillent les gohei-mochi (Gohei pour baguette en bois). Ce sont des gâteaux de riz fichés sur un bâtonnet de bois que l’on offre généralement dans les shrine (sanctuaires) Shinto au printemps et à l’automne dans l’espoir d’obtenir de bonnes récoltes. Le gohei-mochi est ici nappé d’une sauce à base d’egoma, une poudre de graines d’un shiso locale particulièrement savoureuse ! delà d’une texture moelleuse, on apprécie sa douceur délicatement chocolatée qui offre une subtile amertume.

Ayu et Gohei-mochi entrain de griller - SAVORJAPAN ProjectAssociation

Les nombreux kakis produits dans la région sont séchés sur des fils devant les maisons. Dans la pâtisserie que l’on me sert, le kaki est associé avec du yuzu (un citron japonais) pour réaliser une bouchée originale légèrement plus sucrées que les gâteaux japonais classiques et accompagnées ici d’un marron entier.  Mais pourquoi utilise-t-on si peu le kaki en France !?

Un voyage au coeur d'un japon gastronomique encore méconnu qui s'achève sur une bien jolie note sucrée !

Textes et photos par Julien Thivin pour Ideemiam


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