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Le Festival Omnivore fête ses 10 ans !

Entretien avec son fondateur Luc Dubanchet, pour un rapide flashback sur la fabuleuse histoire d’un festival dédié à la gastronomie et à ceux qui la font

Le Festival Omnivore fête ses 10 ans !

Le Festival Omnivore fête ses 10 ans !

A quelques heures de l’inauguration de la 10ème Edition du Festival Omnivore nous nous sommes entretenus avec Luc Dubanchet, le fondateur de ce festival, pour faire le point sur cette décennie gastronomique et sur celle à venir.

Aujourd’hui le Festival Omnivore fête ses 10 ans, mais qu'elle en fut la genèse ?

Au début des années 2000 rien n’existait de ce genre en France. On pouvait voir ce type de manifestations dans d’autres pays comme l’Espagne mais rien chez nous. La gastronomie française vivait sur ses acquis et ne semblait pas très avant-gardiste. Omnivore existait déjà depuis 2003, je l’avais créé pour accompagner ce que je sentais être un nouvel élan  dans la cuisine avec des jeunes gens qui arrivaient. A l’époque il y a avait déjà Pascal Barbot de l’Astrance,  Eric Guérin de la Mare aux Oiseaux,Gilles Choukroun, Thierry Marx déjà et Jean-François Piège qui n’était pas encore tout à fait dans son nouvel état d’esprit. Il y avait des chefs qui voulaient faire des choses nouvelles et donc le Festival a été le prolongement naturel de ce que l’on publiait à l’époque sous forme papier. J’ai eu l’idée de les rassembler dans un événement où ils pourraient partager avec d’autres leurs expériences en cuisine. Voilà comment est né le Festival, par manque mais aussi par volonté de créer quelque chose qui rassemble les chefs français une fois par an.

Pour la première édition en 2006 comment avez-vous convaincu les chefs de vous suivre dans cette nouvelle aventure ?

Ça n’a pas été le plus compliqué. J’étais patron de Gault et Millau à la fin des années 90, donc les chefs je les connaissais bien. En 2006 Omnivore existait depuis 2 ans et avait déjà sorti une vingtaine de magazines et un guide de restaurants, donc on était déjà connu dans le public des professionnels de la restauration. La première année je me souviens avoir convaincu Feran Adria très rapidement, Alain Ducasse aussi, Michel Bras était un de nos premiers lecteurs et était là également. Les chefs étaient très disponibles et très demandeurs. Non, le plus dur a été de trouver une ville pour nous accueillir. Je me souviens que quand nous sommes allés voir des municipalités en leur disant « on va faire un festival de cuisine », ils nous regardaient déjà avec les yeux ronds « mais qu’est-ce que c’est un festival de cuisine ? » et puis après c’était « Alors vous allez inviter Paul Bocuse, Robuchon… ? » et que nous leur répondions « non, on va inviter des jeunes chefs qui ne sont pas connus du tout » et là généralement notre demande perdait encore plus de son intérêt et puis gentiment ils ne donnaient pas suite. Le Havre a été vraiment la première ville à se dire « oui pourquoi pas ? ». Ensuite bien entendu il a fallu convaincre les partenaires mais ça s’est fait assez vite malgré tout. La première édition était assez simple, des marques comme Paco jet, Valrhona, Rougier, Métro sont venues pour voir en se disant on fait un essai pour la première année. Je crois qu’elles n’ont pas été déçues puisque la majorité est encore présente avec nous 10 ans après.

Le festival Omnivore était donc au départ réservé aux professionnels ?

Oui au départ c’était vraiment centré sur les professionnels et le public était entièrement composé de professionnels. Ça fait maintenant 5 ans, depuis que l’on s’est installé à Paris, que le public est présent. Le grand Public aujourd’hui qui vient au Festival est constitué de gens passionnés par la cuisine, des bloggeurs ect. Ils représentent aujourd’hui environ 20% des festivaliers versus 80% des professionnels. Ça reste donc un festival majoritairement fréquenté par des professionnels même si on est ouvert au public.

La Turquie et Istanbul en particulier est un coin du monde sur lequel je miserais bien pour l’année à venir.

Qu’est-ce qui a changé en 10 ans de Festival ?

Il a pris de l’ampleur, surtout depuis que l’on a migré vers Paris, ça a décuplé la fréquentation. En 2006 on était 900 et hier en regardant les pré-booking on était déjà  à plus de 5 000. L’événement a donc bien pris de l’ampleur et on attend cette année de 10 à 15 000 personnes.
Après on a rajouté des scènes. La première année on avait uniquement une grande scène salé sur laquelle on faisait passer les chefs de cuisine. 2 ans après on a ajouté la Scène des pâtissiers, puis il y a 3 ans on a ajouté la Scène des artisans et cette année on rajoute les cocktails, qui étaient déjà un peu présents l’année dernière et puis une scène Street-food. Au total ce sont 5 scènes qui vont tourner en permanence. A la première édition il y avait 25 chefs invités, cette année on en attend 100. La taille est différente évidemment et le budget aussi, on est passé d’une dizaine de partenaires à aujourd’hui 80.
Mais tout l’esprit lui n’a pas changé. On est toujours dans un festival qui cherche à mettre en avant et à faire découvrir des chefs qui ne sont pas connus. Ce qui nous intéresse ce n’est pas la notoriété mais bien de faire découvrir au public les chefs dont on va  parler aujourd’hui et demain.
Je crois qu’en terme d’esprit on est resté simple, ce n’est pas une grosse machine, même si 200 personnes travailleront cette année pendant le festival. Ça reste quelque chose que je veux profondément humain et proche des chefs parce que c’est primordial de garder cette relation.  
On a la chance d’être dans une très belle maison, avec des étages, avec plein de qualités et plein de défauts, mais c’est notre maison, on lui donne cet aspect humain, on a envie que les festivaliers viennent avec plaisir. J’insiste sur le fait que c’est un festival et non un salon ! Ici d’abord et avant tout, le cœur d’Omnivore ce sont les scènes et les démonstrations qui s’y passent. Ensuite on a dans les différents étages des partenaires qui exposent, mais ce festival est d’abord et avant tout pour le public de venir assister à une expérience culinaire. Le festival Omnivore est un événement unique et prestigieux, on est les seuls en France et les plus importants en Europe. Aujourd'hui on n’a pas uniquement un festival à Paris, on en a 9 dans le monde entier, ce qui rend ce réseau complètement unique.
On fait des vrais Masterclass, on rencontre des chefs et on partage avec eux  leur culture, leur histoire et leur technique.

En 10 ans ça fait beaucoup de Masterclass, qu’elles sont celles qui vous a particulièrement marquées ?

Une première, qui est celle de Feran Adria sur scène en 2006.  Tous ceux qui étaient là s’en souviennent, c’était absolument magistral ! C’était une leçon de cuisine et d’humilité et en même temps d’intelligence. On pensait qu’il allait venir sur scène pour nous montrer du moléculaire, de la science, en fait il a fait deux cuissons. Une cuisson de moules et une cuisson de langoustines, basta ! Et il a mis une grande claque à tout le monde, conceptuellement je veux dire, parce que c’était totalement neuf dans l’esprit.
Sur la scène sucrée je me souviens d’une très belle intervention de Jacques Génin il y a 4 ans, il était venu montrer une tarte au citron. Il nous a parlé de son combat et de son travail pour les flans, pour trouver le bon flan, qu’est-ce qui faisait un bon flan...
Et puis l’année dernière sur la grande scène, la venue de Pierre Gagnaire a été absolument magique, devant 1 500 personnes , il a eu énormément d’émotions dans la salle. Il revenait  de Taipei, il est monté sur scène avec son chef et il a fait 3/4 d’heure absolument magique en disant que "la cuisine c’est comme la vie, ça doit avoir de l’allure !" Pierre Gagnaire est une chef qui compte énormément pour la cuisine et pour Omnivore.

Au festival on a aussi tué des anguilles sur scène. Je me souviens de Katsumi Ishida à Deauville plantant un poinçon dans l’œil de l’anguille et tirant la peau à vif… Mais c’est aussi ça la cuisine et à Omnivore on le montre. On demande aux chefs de venir comme ils sont, avec leur culture, leur histoire et c’est ça qu’ils nous apportent aussi et surtout.

Sur la scène artisans, qui existe depuis 3 ans, je me souviens de Roland Feuillas venant expliquer la manière dont il panifiait ou comment il plantait son blé.  Il y a eu aussi de Jean-Louis Chave, un vigneron magnifique célèbre pour ses Hermitages, qui est venu sur scène malgré sa jambe cassée et qui a fait une superbe prise de parole sur ses vins, son vignoble de Saint-Joseph qu’il a planté. Et comment oublier les Bacches qui sont venus, montrer, gouter et faire sentir tous leurs agrumes et qui ont embaumé tout le 3ème étage de la Mutualité de douces effluves.
Le festival Omnivore se sont ces multitudes rencontres. Ce qui est important pour nous c’est de créer ces moments rares entre le public et les chefs.

Y a-t-il des chefs, telles de véritables rock-stars, qui se sont produits sur Scène à chaque festival ?

A ma connaissance, il y en a trois vraiment intangibles, qui sont Alexandre Gauthier (10 fois), Thierry Marx (10 fois) et Jean-François Piège (9 fois). Ils étaient là, lors de la première édition et ils seront là pour les 10 ans. Ils font partis de nos invités d’honneur. Jean-François Piège va clôturer la journée du dimanche qui est une journée forte, Alexandre Gauthier clôturera la journée du mardi et Thierry  Marx passera dimanche en fin de matinée.

Les rendez-vous à ne pas manquer de cette nouvelle édition ?

C’est impossible à vous dire. Les 100 invités sont tous importants à nos yeux. Sans vous faire une réponse de Normand, on traite tout le monde de la même manière et on a envie que tout le monde soit valorisé de la même façon. Il  y aura forcément des moments rares, mais c’est à chaque festivalier de se faire son festival, de se créer ses souvenirs, c’est aussi pour ça que l’on propose autant de possibilités.

Comment seront fêtés les 10 ans du Festival ?

On a décidé de ne pas être nostalgique. Ce qui importe c’est que le festival soit de maintenant et pas d’hier. Notre volonté est de toujours aller de l’avant, la jeune cuisine ne peut pas être quelque chose de figer.
Pour marquer ces 10 ans on a réuni 10 chefs qui sont importants dans l’histoire du festival comme Jean-François Piège  (Thoumieux, Paris), Ivan Shishkin (Delicatessen, Moscou), Carlo  Mirarchi (Roberta’s & Blanca, New York), Alexandre  Gauthier (La Grenouillère,  La Madelaine-sous-Montreuil), Thierry Marx (Sur Mesure –  Le Mandarin Oriental, Paris), Sébastien Bras (Bras, Laguiole) et Hideaki Sato de Ryugin que l’on a découvert il a 3 ans Hong Kong…
Il  a donc en tout 10 chefs que l’on a choisi pour ce qu’ils représentent pour Omnivore mais pour nous l’important est bien de continuer à défricher et à faire monter sur scène des jeunes chefs qui sont inconnus et que l’on propulse chaque année devant le public et devant les média.

Après l’Espagne et les pays nordiques quels seront selon vous les pays à suivre dans les 10 prochaines années ?

Tous ces pays continuent à jouer un rôle dans la jeune cuisine, mais au fond la cuisine s’est tellement diversifiée qu’il n’y a plus vraiment de gens à suivre. Nous sommes présents dans 9 villes du monde et partout nous découvrons des gens passionnants. je peux vous dire qu’à Sydney en Australie les chefs font un travail remarquable sur la cuisine, Montréal et Londres sont aussi palpitants… j’ai envie de vous dire qu'il se passera des choses en Europe centrale. La grande découverte pour cette année c’est  Istanbul, qui s’est révélée vraiment magique. On aura d’ailleurs un chef qui s’appelle Maksut Askar du restaurant Neolokal à Istanbul qui sera présent sur scène et j’invite vraiment  le public à venir le voir. Actuellement en cuisine on parle beaucoup de local, de culture et de territoire et bien Maksut travaille vraiment sur la culture Ottoman et sur la richesse des produits de son pays. A Istanbul il se passe une révolution, intellectuelle et culinaire avec un groupe d'une quinzaine de chefs qui reprennent les bases de la cuisine Ottoman et turque et la transcende en quelques chose de moderne dans les saveurs, dans le contrôle des textures et dans le dressage des plats… La Turquie et Istanbul en particulier est un coin du monde sur lequel je miserai bien pour l’année à venir.

Pourquoi avoir ouvert une scène à La Street Food ?

La scène Street-Food c’est une manière de dire que la cuisine ça se passe aussi dans un nouvel espace. On a pensé pendant des années que la cuisine ce n’était qu’au restaurant et bien moi je pense que ce n’est pas ça. La cuisine en 2015 elle se passe partout, y compris dans des petits corners ou des foodtrucks. Il était donc naturel d’ouvrir pour la première fois une grande scène pour accueillir cette nouvelle culture, une culture jeune, dynamique, intéressante et qui parle aussi de qualité. Manger aujourd’hui un burger ça veut aussi dire manger des produits de qualité et cela me semble fondamental pour la démocratisation de la cuisine.

Que diriez-vous à quelqu’un qui hésite encore à venir au festival ?

Autant il y a 10 ans  j’étais très modeste, autant aujourd’hui je trouve que des gens qui sont partie prenante dans ce métier et qui ne savent pas que le festival existe ou qui ne sont jamais venu, c'est très bizarre. C’est une chance inouïe que ce festival existe pour la France, pour la culture française pour la profession. Je vois passer depuis 10 ans des chefs étoilés que l’on n’a jamais invité pour une scène ni même mis en avant dans nos guides et qui sont là en tant que spectateur. Ils viennent ici pour ouvrir leur esprit et rencontrer des gens différents.
Si vous avez une vraie passion pour la cuisine ou si vous êtes chef,  bien entendu c’est ici que ça se passe. Vous avez trois jours complets pour assister à des cours de rattrapage de tout ce qui se fait dans la cuisine aujourd’hui, ce n’est pas rien !


Festival Omnivore les 8, 9 et 10 Mars Maison de La Mutualité
24 rue Saint-Victor – 75005 Paris
Retrouvez toute la programmation sur le site Omnivore


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