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La Ferme Sénéchal

Une petite exploitation en plein pré-bocage normand

La Ferme Sénéchal

La Ferme Sénéchal

Quelques semaines après la grand-messe annuelle du monde paysan Porte de Versailles, qu’en est-il de ceux qui n’ont pas voulu faire le déplacement ? Des renégats qui préfèrent vivre cachés ?

Ceux qui se refusent à grossir pour garder des conditions de travail acceptables ? Ceux qui préfèrent se contenter de vivre modestement avec leurs proches sur les fruits de leur petite exploitation ? Ceux qui préfèrent travailler leur réseau local car c’est, pour eux, la seule façon de vivre bien ?

Une exploitation à taille humaine

Julien Sénéchal fait partie de ces agriculteurs. A 35 ans, il dirige à Cahagnes, dans le Calvados, l’exploitation familiale - de 80 hectares et qui emploie cinq personnes - dont il est la troisième génération.

Des volailles, des vaches laitières, des prés et des champs de maïs pour nourrir les bêtes. Il regrette aujourd’hui d’avoir doublé le nombre de ses vaches (de 50 à 100) et d’être tenu par son endettement pour les dix ans à venir. Une erreur qu’il ne refera pas : il veut rester libre.

Il a mis récemment ses volailles en plein air. Pour répondre à la demande de ses clients, sensibilisés à la numérotation des œufs par des images de batteries industrielles, mais aussi parce que ses petites batteries artisanales ne répondaient plus aux nouvelles réglementations européennes. « Elles avaient de la place mes poules, montre-t-il en ouvrant les portes des anciens bâtiments, alors que dans les vraies batteries industrielles « aux normes », elles sont entassées et ne voient pas le jour ! »

Vivre et en vivre

Ses revenus lui viennent de la vente de ses œufs, de ses volailles et de ses produits laitiers sur les marchés de la région. Cinq par semaine. Ça suffit.

Il lui faut du temps pour travailler sur l’exploitation. Il s’occupe de ses bêtes, les connaît toutes, sait en les regardant quels aliments leurs donner et en quelle quantité, les fait passer deux fois par jour à la trayeuse et fabrique son fromage blanc, sa crème fraîche, son beurre tous les matins. Le lait écrémé restant est racheté par une coopérative : lui-même ne vend que le lait cru bien sûr.

Le fromage blanc de Julien Sénéchal est lisse ou brut, dosé en matières grasses à 0%, 20% ou 40% selon la proportion de crème qu’il y rajoute. La crème est épaisse, d’un jaune très pale, et continue de s’épaissir et de se colorer au fil de sa conservation. Une pure merveille à consommer crue et à cuisiner.

A ces produits qui font la base de la cuisine normande, s’ajoute une spécialité unique : la teurgoule. Pour ceux qui ne connaissent pas, il s’agit d’un riz au lait caramélisé et parfumé à la cannelle qui a cuit une petite dizaine d’heures. Les anciens racontent que les femmes préparaient ce riz une fois par semaine et le laissaient mijoter sur le feu toute la nuit… pour que leurs hommes le trouvent à leur retour. Ça éponge bien le trop plein d’ivresse et quand c’est encore trop chaud : ça tord la goule !

Un réseau local

Des produits de grande qualité qui sont vendus en direct sur les marchés de Caen, Ouistreham et  Riva- Bella, un peu aux restaurants locaux et à quelques supermarchés, mais pas trop : « faut pas se tirer une balle dans le pied ! ». Auxquels s’ajoutent quelques références du cru dont il n’est que le passeur : l’excellent Pont L’Evèque de Madame Martin (un des 4 meilleurs en France selon la fromagerie Beillevaire), le Livarot et le Pavé d’Auge Thébault, et le camembert Bertrand. Le tout pour un rapport qualité prix qui ne fait pas regretter le déplacement !

Texte et photos par Emilie Schickel


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