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Un gars, une Fille à l’école de cuisine Ferrandi

Quel regard porte ces futurs grands chefs sur l'actualité culinaire et la gastronomie d'aujourd'hui ? Entretien avec Flora Le Pape et Hadrien de Banes, élèves en 3ème année Bachelor Ferrandi

Un gars, une Fille à l’école de cuisine Ferrandi ©Ludovic Le Guyader

Un gars, une Fille à l’école de cuisine Ferrandi ©Ludovic Le Guyader

Pendant que la violence en cuisine anime les débats sur les bancs de Science Po, nous sommes allés à la rencontre de 2 jeunes Bachelors de la prestigieuse école de cuisine Ferrandi à Paris, autrement nommée le Harvard de la cuisine, pour en savoir un peu plus sur ce sujet mais aussi et surtout mieux connaitre leurs aspirations et leurs motivations pour ce métier et l’image qu’ils en ont.

Comment devient-on élève à Ferrandi ?

Ce sont différentes expériences dans le milieu de la restauration qui ont conduit Hadrien de Banes et Flora Le Pape, chacun une vingtaine d’années au compteur, à présenter leurs candidatures pour intégrer la section Bachelor de la prestigieuse école de cuisine Ferrandi Paris.
Lettre de motivation, dossier, examens écrits et oraux pour enfin décrocher le « Graal » une place sur les bancs de Ferrandi. Une formation sur 3 ans qui leur permettra d’aborder toutes les facettes du métier de chef-cuisinier. De la gestion à l’entreprenariat en passant par les sciences appliquées, l’anglais et bien sûr la cuisine. « Des années à apprendre la technique avant de pouvoir inventer tes recettes. La cuisine c’est un peu comme en dessin, tu dois d’abord apprendre la technique pour pouvoir ensuite te lancer dans tes propres créations » nous confie Flora.

Aujourd’hui en 3ème année, ils travaillent en alternance dans les cuisines de restaurants étoilés, le Chabichou à Courchevel pour Hadrien et l’Hostellerie de Plaisance à Saint-Emilion pour Flora. Une dernière année durant laquelle ils vont pouvoir affûter leurs armes avant le grand saut dans le monde du travail.

hadrien de banne ecole ferrandi

Où vous voyez-vous dans 10 ans ?

Quand on leur demande où ils se voient dans 10 ans, l’un et l’autre ne pensent pas en rester aux 3 années d’études à Ferrandi.
« Je m'investis déjà avec deux de mes meilleurs amis dans une exploitation agricole à la Rochelle et dans un FoodTruck « Le Camion de la Ferme », un camion qui propose des recettes avec les produits de la ferme, je souhaite continuer dans cette voie et m’imagine bien à la tête d’une auberge où je cuisinerais mes propres produits» nous confie Hadrien.
Flora quant à elle souhaite poursuivre ses études avec une formation en maraichage, mais également en sommellerie et en boulangerie. Tout comme Hadrien, elle imagine travailler en cuisine les fruits de sa récolte.

Des futurs jeunes chefs qui ont une vision de ce métier plus large, plus complète, souhaitant revenir au plus près des produits du terroir et qui ont pour modèles des chefs tels qu’Alain Passard (qui ne cuisine que les fruits et légumes de ses potagers dans la Sarthe) ou Pierre Gagnaire.

L’image des chefs aujourd’hui !

Quand on les questionne sur les chefs d’aujourd’hui, sur l’image qu’ils donnent de leur métier et sur les émissions de Télés, ils sont cashs !
« Le plus gros défaut des chefs français aujourd’hui c’est qu’ils ont un peu trop le melon, mais c’est à cause de la surmédiatisation actuelle. » Les chefs sont devenus les stars des restaurants.

"Avant c’étaient les maîtres d’hôtel les stars, ils finissaient les dressages en salle comme avec le canard au sang. Aujourd’hui ils n’existent pratiquement plus. Les cuisines ne sont plus cachées, elles sont même ouvertes sur la salle, alors les nouvelles stars se sont les chefs."

Quant à une éventuelle participation à une émission telle que Top Chef, « à l’école Ferrandi, les chefs-professeurs nous déconseillent d’y participer ».  Pourtant ce type d’émission peut vraiment donner un vrai coup de boost à une carrière et révéler de jeunes talents « Il ne faut pas dire, fontaine, je ne boirai pas de ton eau … ».
Des étoiles au Michelin ou une reconnaissance comme Meilleurs Ouvriers de France, restent des valeurs sures, même s’ils disent aujourd’hui ne pas courir après.

Quel regard portez-vous sur l’actualité culinaire ?

« Nous parlons beaucoup de tout ça en classe. Nous avons des conférences thématiques avec des intervenants professionnels qui viennent pour en débattre. Nous nous sommes bien évidemment intéressés au Fait-Maison qui semble être une belle supercherie. Quand on lit entre les lignes, certains plats de chez Mc Do pourraient même bénéficier de ce logo, ce n’est pas très sérieux. Ca partait d’un bon sentiment, mais en application c’est vraiment à côté de la plaque. » Disent-ils en chœurs.
Le titre de Maître-restaurateur, "Oui pourquoi pas, c’est un titre honorifique, mais le problème c’est que pour le client ça ne garantie pas que la cuisine soit bonne, juste qu’elle est faite par un vrai chef et c’est déjà bien".
Sur les 50 Meilleurs restaurants du Monde « Franchement je ne vois pas comment on peut classer de la sorte les restaurants » s’étonne Flora « quant au 1er français classé après la 10ème place, ça ne me choque pas, c’est juste un classement qui donne une tendance. De toute façon il y a tellement de bons restaurants en France qu’il est difficile de faire un choix. »
Côté lectures, Hadrien aime se plonger dans YAM, le magazine de Yannick Alleno, ou 180° un magazine lancé par un des chef-enseignants de Ferrandi.

Harcèlement et violence en cuisine !

Le sujet sur le harcèlement et la violence reste sensible, mais il n’est malheureusement pas l’apanage des cuisines. Oui Hadrien et Flora l’ont vécu et avouent qu’il arrive que certains élèves baissent les bras après une expérience en cuisine désastreuse, surtout chez les filles.
A chacun son expérience. Hadrien nous explique avoir connu la violence de la part d’un second de cuisine, il en garde même des trâces, une brulure après que celui-ci l’ai fait trébucher sur les fourneaux, mais il tempère « j’ai eu la chance de croiser sur ma route un chef très humain et très lucide sur ces problèmes, Jean Chauvel l’ex-chef du restaurant Les Magnolias, qui était très attentif à sa brigade et s’élevait contre ce genre de pratiques dans ses cuisines ».
Flora quant à elle avoue avoir été harcelée par un commis «mais malheureusement ce genre de mauvaises expériences arrivent souvent aux filles et dans tous les secteurs, ce sont les mentalités qui doivent évoluer ! ». Il suffit de voir ce qui se passe encore de nos jours sur les bancs de l’Assemblée Nationale pour s’en convaincre.
C’est un sujet toujours très délicat et ils savent qu’en parler n’empêchera pas les imbéciles d’exister mais permettra peut-être aux futurs apprentis de pouvoir les dénoncer sans risquer de se faire black-lister. « Quand on commence on pense que ça se passe comme ça » nous explique Hadrien. Nos deux étudiants sont des passionnés optimistes qui croient sincèrement que les choses sont en train de changer.

Mais en conclusion pour parler de ce métier ils préfèraient que les médias mettent l’accent sur ce qui est positif, la passion, les challenges, le travail, le partage, la transmission, la défense du bon et du local, pour donner au final une vision plus globale et plus positive du métier de chef !


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