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Hervé Gallard, paysan, éleveur en Bourgogne

7 jours sur 7, 365 jours par an depuis 35 ans ! Une vie consacrée à la ferme de la Fontaine d’Asnières, à Chichée en Bourgogne

Hervé Gallard, paysan, éleveur en Bourgogne

Hervé Gallard, paysan, éleveur en Bourgogne

A l’heure où sont décidées, sur les bancs de l’Assemblée Nationale, les grandes lignes de la future politique agricole française, c’est dans un champ à la sortie du village de Chablis, dans un décor bucolique, que nous avons préféré discuter de ces sujets avec Hervé Gallard, un paysan, un vrai, comme il aime lui-même se définir.

Ensemble nous avons échangé sur sa vie, ses préoccupations, la vision de son métier, celui d’éleveur, sa vision de l’avenir, du sien, mais aussi celui de la France paysanne, celle qui se décide à coup de lois dans l’hémicycle en France et en Europe.

Installé depuis bientôt 40 ans à la ferme de la Fontaine d’Asnières à Chichée, sur la route de Chablis, Hervé Gallard semble vivre heureux au cœur de ses pâturages, avec ses brebis, ses moutons et ses volailles.
Sa ferme est à l’image de celles que l’on peut voir sur les cartes postales, une ferme où tout est calme, bien rythmé, du chant du coq au bruissement du vent dans les arbres en passant par les brebis broutant dans des verts pâturages, bordés par le Serein qui coule au fond de la vallée. Une ferme avec sa grange en bois qui accueille dès les premiers frimas de l’hiver son troupeau de brebis et au printemps  ses petits agneaux, bref une exploitation bien loin des standards modernes, une ferme qui a une âme et qui vit au rythme des saisons.

Au cours de notre discussion, Hervé nous a confié qu’il ne faisait pas partie d’une grande lignée de paysans, mais que son père vétérinaire, lui avait sans doute transmis son amour des animaux. C’est donc seul qu’il a décidé de son destin et qu’il est venu s’installer en 1977 à la ferme de la Fontaine D’Asnières, sur des terres familiales.
Sur cette exploitation de 40 hectares Hervé vit essentiellement de la vente directe de ses poulets d’exception (ici les poulets pèsent entre 2,5 Kg à 3kg et sont élevés minimum 90 jours et jusqu'à 120 jours),  mais aussi de ses pintades et autres volailles festives, d'œufs fermiers,  de ses 200 brebis de race Charollaise, honorées par 5 mâles reproducteurs.
Avec son épouse Odile, ils ont consacré leur vie à la ferme. Et quand Hervé, un grand gaillard de plus d’ 1,90m, parle de sa femme Odile, c’est avec douceur, tendresse et complicité « Nous sommes un binôme à la ferme, sans elle je ne serais rien ».

Leur temps, ils l’organisent au gré des saisons. Leurs volailles sont engraissées à l’extérieur et reçoivent une alimentation 100% végétale. Ils vendent des poulets toute l’année (durée d’élevage minimum 120 jours), des pintades de Mai à Novembre, et des volailles festives (oies, dindes, chapons, poulardes, canettes) en fin d’année. Des bons oeufs fermiers sont également disponibles toute l'année. L’agneau (âgé de 90 à 100 jours, maxi 130) est commercialisé de juin à septembre à raison d’une vingtaine par semaine et en vente directe uniquement. Les animaux sont au pré durant toute la belle saison et sont rentrés dans la bergerie dès les premiers froids. Ils ne sont pas en Bio, même s’ils n'utilisent que peu d’engrais, de pesticides ou de fongicides « On est dans une démarche de rentabilité raisonnable. Nous sommes isolés ici et donc peu en contact avec les maladies. Nous élevons des moutons de la race charolaise, un animal qui va devenir mythique, bientôt plus personne n’en fera. C’est une production peu rentable et peu aidée par la PAC. Le mouton c’est le parent pauvre de la PAC, on a été lâché par les grands décisionnaires. »
Pourquoi ? Tout simplement parce qu’en France et en Europe la demande est faible. Hervé  nous explique que « La consommation de moutons et d’agneaux n’excède pas les 2,5 kg par habitant. La forte saison c’est au moment de Pâques. »
Malgré tout cela il l’aime son métier ! Ce qui lui plait le plus « Au départ c’était l’indépendance, on était libre ! Mais maintenant c’est une horreur ! Aujourd’hui tout est règlementé, les brebis doivent être bouclées (puce dans l’oreille) et quand on vend un mouton il faudrait presque prendre le numéro de téléphone de la personne. C’est ça l’Europe, et la France en rajoute encore une couche. En fait depuis une quinzaine d’années tout est devenu trop contraignant ».

Est-ce pour cela qu’il ne souhaite pas voir ses enfants prendre la relève ?
 « Après moi il n’y aura surement personne pour reprendre l’exploitation. L’élevage ça fatigue, c’est du non-stop, 7j/7. On n'a jamais pris de vacances, mais on ne s’en plaint pas, on vit sur place. J’ai 3 enfants, 2 filles et un garçon, qui ont fait des études.  C’est à eux que je lèguerai la ferme, même s’ils en feront surement un autre usage. Noémie, une de mes filles, s’occupe de chevaux et a déjà des projets équestres ».  
Non, Hervé ne souhaite pas que ses enfants, consacrent leur vie à la ferme, c’était son rêve par le leur et c’est un rêve trop prenant. Avec son épouse ils ont passé plus de 30 années sans congé, sans week-end, sans voyager. Et quand on lui demande si cela lui a manqué, il répond tout simplement « quand on ne connait pas quelques chose ça ne vous manque pas ! ».

Côté travail, ils font tout à deux, à la tête d’une exploitation à taille humaine, Hervé nous explique qu’ils ont beaucoup de travail mais qu’ils ne sont pas débordés et qu’il a mêm le luxe de profiter de  moment de détente « mes vrais moments de plaisir, c’est quand je suis au bord de l’eau, que je flâne ».

Quand on lui demande qu’elle est sa vision du monde agricole et comment il se positionne dans ce milieu, il répond franco  « On est des individualistes, moi, personnellement j’ai toujours fonctionné à l’inverse des autres. Il n’y en a pas beaucoup dans le monde agricole des gens comme nous. Imaginez, cela fait plus de 35 ans que l’on fait de la vente directe, alors qu’à l’époque les autres éleveurs vendaient en gros. Aujourd’hui, pour s’en sortir on voit de plus en plus de fermiers qui  se mettent à la vente directe.
Nous ne vendons  pas sur les marchés, n
otre passion on préfère la partager ici avec les gens qui viennent, on ne court pas après le client. »

Hervé, à quelques années de la retraite, regarde son passé avec beaucoup de philosophie « On n’a pas fait fortune, on a eu des moments difficiles mais on est heureux ! ». Une belle leçon de vie, non ?


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