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Interview de Yves Marie Le Bourdonnec, le boucher bohème

Boucherie le couteau d'Argent à Asnières

Yves Marie Le Bourdonnec boucher, Boucherie le couteau d'Argent à Asnières ©Ludovic Le Guyader

Yves Marie Le Bourdonnec boucher, Boucherie le couteau d'Argent à Asnières ©Ludovic Le Guyader

Un boucher qui vous pose un « lapin »... pas banal...
Bon là en fait de lapin c'est juste un retard de 45 minutes... « A cheval » sur sa moto le voilà qui arrive... Yves-Marie n'a pas d'excuses de circulation... Non, juste un déjeuner chez l'Ami Jean « Une des meilleures tables de Paris » parole de boucher en retard... Un petit café plus tard nous voilà dans le vif du sujet...

Il est impatient et nous parle avec passion de sa toute prochaine livraison... Un bœuf Wagyu arrivé tout droit de Burgos en Espagne. Une première en France, un bœuf Wagyu, autrement nommé bœuf de Kobé, élevé en Espagne, nourri au Muësli, pour en faire une des meilleures viande au monde. C'est ainsi que nous découvrons Yves Marie Le Bourdonnec, le boucher bohème d'Asnières, et que nous comprenons bien vite qu'avec lui le métier de boucher ouvre des horizons bien plus lointains que Rungis.

Sa spécialité, faire mûrir les viandes et plus précisément la côte de bœuf qu'il arrive à faire mûrir jusqu'à 60 jours. Mais pour arriver à ce résultat il lui a fallu étudier la réaction des viandes. Tout est question de leur origine et de leur alimentation, même un simple coup de crochet et la viande ne murit pas mais pourrit ! 

C'est sûr Yves Marie est un homme passionné et qui aujourd'hui ne rêve plus que d'une chose, transmettre et partager son savoir... Alors Yves-Marie à quand une école de la viande qui verra sortir des hommes et des femmes qui ne viendront pas à ce métier par hasard mais par amour comme vous ?

Comment avez-vous choisi de devenir boucher ?

C'est une envie qui m'a pris très tôt, déjà tout gamin je voulais devenir boucher. J'ai été élevé par mon oncle et ma tante dans une ferme en Bretagne. Là-bas je bichonnais les moutons, les poules...et chaque mois je voyais le boucher qui venait à la ferme pour en tuer... C'était étrange j'avais alors un double sentiment pour cet homme, d'un côté je le détestais car il tuait des bêtes pour lesquelles j'avais de l'affection et d'un autre j'admirais son travail, la précision de ses gestes...

Alors quand un jour j'ai annoncé que je voulais devenir moi même boucher, on m'a ri au nez.. « Toi boucher, mais tu pleures dès que l'on tue une de tes bêtes... »... Oui j'aime les bêtes, mais j'aime aussi ce métier... Incompatible, pas forcément. C'est tout simplement ce qui m'a amené à appréhender mon métier d'une autre manière.
Pour avoir une bonne viande il faut que la bête ait eu une belle vie, qu'elle ait été bien nourrie, bichonnée... Tout le secret de la viande Wagyu, la meilleure du monde !

Comment définiriez-vous votre métier ?

Rechercher et détecter les bons produits.

Connaître la viande, ses cycles de vie, mais également connaître les fournisseurs, aller à leur rencontre, partager et enfin préparer pour ses clients des viandes de qualité, les conseiller et échanger...  un métier riche de rencontres et d'expériences.

Quel ingrédient vous inspire ?

Toutes les viandes, veau, agneau, cochon... Mais c'est vrai que j'ai un vrai coup de cœur pour le bœuf parce que c'est aussi la viande la plus difficile à travailler.

Dans votre métier pour vous c'est « jamais sans.. »

Une rencontre. Et pour moi il y en a eu des décisives.
Quand à 18 ans je suis devenu patron de ma première boucherie à Asnières j'ai du y aller au culot, tout d'abord pour trouver les fonds et ensuite pour m'imposer si jeune. Mon manque d'expérience a eu un double effet, d'un côté je n'ai pas toujours assuré au niveau de la gestion, ça c'est le mauvais côté, et d'un autre je me suis formé tout seul, d'instinct et je suis allé vers quelque chose de différent.
J'ai pris le taureau par les cornes et je suis parti à la rencontre des producteurs. J'en ai alors connu un qui m'a marqué plus que les autres, Charles Dufroisse. A l'époque Charles était l'unique éleveur en France du bœuf de Coutancie, du nom du domaine. Cet homme connait la viande comme personne, il a parcouru le monde et s'est intéressé aux différents modes d'élevage. C'est lui qui m'a appris comment bien choisir ma viande, comment la faire mûrir et quelle alimentation l'animal doit recevoir pour être un viande d'exception.

Ses vaches, Limousines et Blondes d'Aquitaine sont nourries de fourrages naturels et de céréales le tout complété par de la bière. Le résultat, une viande tendre et goûteuse mais au prix élevé.
Nous étions très peu à proposer cette Rolls des viandes et c'est ainsi que j'ai pu prendre contact avec des grands chefs, comme Alain Ducasse ou Yannick Alleno et les fournir en viande d'exception.

Vous comprenez mieux ma réponse. Sans cette rencontre je n'en serais surement pas là aujourd'hui...

Si vous deviez ne retenir qu'un souvenir ?

Il y a des années un de mes fournisseurs m'appelle et me propose un lot de 25 vaches de la race Bazadaise. Cette race pratiquement en voie de disparition est élevée dans le Sud de Bordeaux et donne une viande excellente. Ce lot appartenait à un éleveur qui souhaitait partir à la retraite. J'ai dit « Banco ».
Sur ce lot j'ai eu 10 très bonnes bêtes, 10 plutôt moyennes et 1 vache le Top du Top... La plus belle de ma vie. Elle était magnifique, sa chair était persillée... des bêtes comme ça on en voit pas beaucoup dans une vie.

Le produit dont vous êtes le plus fier ?

Sans hésiter ma côte de bœuf 60 jours.

Avez-vous des projets pour demain ?

J'attends avec impatience mon bœuf Wagyu qui devait être livré ce jour...
Sinon j'ai décidé que je voulais perpétuer mon savoir-faire. Je le fais déjà avec mes collaborateurs à la boutique, mais dans l'avenir je veux aller encore plus loin.
Je commence à faire des jumelages avec des bouchers du monde entier. Ensemble nous pourrons comparer, partager... J'ai déjà pris contact avec un boucher à Londres, un à Rome mais aussi en Toscane et puis également en Finlande pour rencontrer un boucher qui travaille l'ours. J'ai hâte de voir comment ils exercent.

Que trouve-t-on dans votre réfrigérateur ?

Tout sauf de la viande ! J'ai toujours de la crème fraiche entière, du camembert et du vin blanc.

Que trouve-t-on dans vos placards ou quel est votre pêché mignon ?

Des sardines à l'huile, la quiberonnaise.

Une recette que vous faites en famille ?

Le Risotto à la truffe d'Alba, une truffe blanche d'Italie, ou plus simplement aux champignons.

Une recette que vous aimez que l'on vous fasse ?

La blanquette de veau.

Vos bonnes adresses gourmandes ?

La boulangerie du Pain et des idées. Christophe Vasseur, nommé « Meilleur boulanger de Paris en 2008 », propose un super pain rustique « le pain des amis ».  34 rue Yves Toudic – 75010 Paris. Site www.dupainetdesidees.com

Le restaurant le Saint Joseph, 100 boulevard de la République à la Garenne Colombes, une bonne adresse à partager où vous ne serez pas déçu. Ici les stars se sont les produits !

Si vous êtes sur l'Ile Saint Louis à Paris passez par la Boucherie de Jean-Paul Gardil, un confrère qui fait honneur à notre métier. Au 44 rue Saint-Louis en l'Ile – 75004 Paris – Tel 01 43 54 97 15

Le restaurant l'Ami Jean – Vous savez le fameux qui m'a fait arriver en retard. C'est une formidable adresse déjà bien connue mais je ne peux résister à vous la conseiller. J'adore le chef Stéphane Jego  qui redonne ses lettres de noblesse à cette adresse historique  !!!
27 rue Mallar – 75007 Paris – www.amijean.eu

Si vous deviez donner une astuce pour cuisiner une viande ?

Pour la cuisson de la côte de bœuf. Surtout ne la faites pas au four mais plutôt à la poêle ou dans une cocotte. Mettez un peu d'huile d'olive à chauffer et quand elle chaude déposez votre côte,  marquez-la des 2 côtés.
Sortez ensuite la viande, et dans la poêle, que vous aurez essuyée avec un Sopalin, mettez une grosse noisette de beurre et un peu d'huile (pour éviter de faire brûler le beurre) et remettez votre côte de bœuf à cuire à feu vif.
Arrosez la viande régulièrement pendant la cuisson, avec le beurre fondu et l'huile. Il faut compter 10 minutes de chaque côté pour une côte d'1,2 Kg. Pour finir, laissez reposer votre viande 10 minutes avant de  la couper et ceci pour permettre au sang de se diffuser dans la viande. Et là vous allez vous régaler !


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