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XiaoLing, le vin qui flirte avec les nuages

Un vin issu d’une vigne à 2300 mètres d’altitude sur les pentes de l’Himalaya. Un projet fantastique que porte une association française comme aide au développement d’une communauté catholique tibétaine.

XiaoLing, le vin qui flirte avec les nuages

XiaoLing, le vin qui flirte avec les nuages

Arrivé il y a 8 ans en Chine, au nord ouest du Yunnan, Alexis de Guillebon s’installe sur les contreforts de l’Himalaya qui appartenait auparavant au Tibet. Ce sont les marches tibétaines, zone de transition entre les plaines chinoises et le plateau du Tibet. Le village se situe sur les rives du Mékong qui prend sa source bien plus haut à 5400 m d’altitude.

En route vers les Sentiers du ciel !

Alexis de Guillebon passionné par les voyages, rêve de parcourir le monde. Après des études d’architecture navale en Angleterre, il complète son cursus aux Arts et Métiers mais aussi à la Sorbonne en philosophie. Pendant ses études de philosophie, il prend goût au voyage. Trois à quatre mois par an, il part à pied. A la sortie de son Master, l’association des Enfants du Mékong lui propose de reprendre une mission dans une communauté catholique tibétaine à Cizhong. Volontaire pendant deux ans et demi pour l’association, sa mission est de mettre en place des financements via du parrainage en France, de programmes scolaires à destination d’enfants défavorisés. Au cours de ce volontariat, Alexis prend conscience que la véritable problématique est liée au développement et non à l’éducation.

XiaoLing le vin des Sentiers du Ciel - Vallée du Mekong

la véritable richesse de la région : la vigne

Cette réflexion l’amène à créer en 2013 l’association « Les Sentiers du ciel ». Une des idées est de faire du fromage de yak. Bien que les essais soient prometteurs, une mise en production soulève de nombreux problèmes : le peu de lait produit par le cheptel, la production du beurre favorisée car base de l’alimentation mais aussi offrande pour les monastères bouddhistes.
Lors de l’assemblée générale de 2014 de l’association, les efforts sont réorientés sur la véritable richesse de la région : la vigne !

L’histoire de la vigne au Tibet, c’est d’abord l’histoire des missionnaires français.

En 1846, les Missions étrangères de Paris se voient confiées par le Pape l’évangélisation du Tibet. Lorsque les missionnaires ont voulu entrer au Tibet par le nord de l’Inde ou par l’ouest de la Chine, confrontés à l’hostilité des Lamas bouddhistes, ils n’ont pu entrer plus dans le territoire et se sont donc fixés dans les marches tibétaines. Au Yunnan les missions s’implantent sur les rives du Mékong sur deux cents kilomètres avec au centre Cizhong. A deux jours de marche sur les rives du fleuve Salouen d’autres missions s’installent. Afin d’alimenter la messe en vin, des vignes sont plantées aux alentours de 1870 dans des enclos autour des églises. Le cépage est appelé « Rose Honey ».
Son origine reste inconnue même après des tests ADN. Ce cépage est-il pré-phylloxérique d’origine française ou aurait-il été collecté au Japon lors de voyages avant l’arrivée à Cizhong, le mystère demeure.
Si les derniers missionnaires quittent la région en 1952 après une histoire mouvementée constellée parfois par des persécutions, ces communautés catholiques sont reconnues aujourd’hui par Pékin.

Il y a une vingtaine d’années le gouvernement local décide de développer un projet autour de la vigne plantée entre 2000 et 2500 mètres d’altitude. L’objectif est que les populations locales, d’origine tibétaine, consomment du vin en lieu et place d’un alcool blanc traditionnel titrant à 50° à base de céréales. Le vin produit est insipide et très sucré quand la vendange n’est pas vendue au poids à un gros producteur d’alcool du Yunnan.

La prise de conscience d’avoir une véritable pépite à portée de main se fait lorsque Moët & Hennessy (LVMH) s’implante à quatre-vingt kilomètres au nord du village de Cizhong. En effet le groupe français a mandaté dès 2008 un expert afin de déterminer les meilleurs terroirs en Chine. Son travail de quatre ans mettra en lumière l’extraordinaire terroir de la région, son microclimat et donc le potentiel pour la production d’un vin de qualité. Le groupe français convaincu s’installe et fait son premier millésime en 2013 avec une présentation en 2016 à Hong-Kong lors de Vinexpo.

Vin Himalaya - Alexis de Guillebon et Lihua- credit photo : Thomas Goisque

Un premier millésime pleins de promesses pour le projet associatif des « Sentiers du ciel »

Au contraire de LVMH, le projet associatif des « Sentiers du ciel » n’a pas la même capacité de financement. A Cizhong, pour le premier millésime, la vendange est achetée à une trentaine de familles. Elle est composée essentiellement de Cabernet-Sauvignon (90%) et d’autres cépages comme le Cabernet Gernischt.

En cave la vinification se fait en jarre de terre cuite de 250 à 400 litres. Après une macération d’une quinzaine de jours, l’élevage se déroule pour partie en fût de chêne Seguin Moreau pendant 12 mois. Mais du fait de contraintes réglementaires, il y a nécessité de faire la mise en bouteille dans une autre exploitation à 800 km. Six jours de voyages sont nécessaires avec le passage d’un col à plus de 4000 m pour faire l’aller-retour. Un éboulement de terrain bloquant la route pendant une journée ne facilitera pas le trajet.

Les deux premières années, l’association est accompagnée par un vigneron suisse mais pour des raisons personnelles il est dans l’obligation de repartir au pays. C’est un ami, Sylvain Pitiot ancien vigneron renommé en Bourgogne, qui reprend la suite. Son rôle est de donner un cap pour donner à la production un bon qualitatif. L’équipe sur place est composée de quatre personnes : Alexis de Guillebon et Balthazar de Dompsure qui gère le commercial, un directeur technique chinois francophone qui a déjà travaillé au Clos de Tart sous la houlette de Sylvain Pitiot et Lihua originaire de Cizhong, cheville ouvrière du projet et relais avec les communautés tibétaines.

Travail du raisin - XiaoLing le vin des Sentiers du Ciel

Pour ce premier millésime, alors que la vigne est conduite sans souci qualitatif, le vin montre un potentiel non négligeable. Le nez est agréable, le boisé très discret. Si les caractéristiques aqueuses du vin encore trop présentes questionnent sur son potentiel de garde, le vin a une très belle architecture pleine de promesses pour les prochains millésimes.

Nous avons déjà un très bon vin alors que rien n’a encore été fait

L’objectif a court terme est triple : planter de la vigne pour le domaine, faire évoluer les pratiques culturales du village (abandon des traitements chimiques et abandon d’une logique productiviste) et équiper un minimum le chai. Afin d’arriver à un projet économique viable, l’association a créée une société de droit hongkongais qui a pour vocation d’accueillir les investisseurs et une filiale en Chine détenue à 100% par la société hongkongaise. Dans le montage financier « Les Sentiers du ciel » reste majoritaire afin de garantir une approche sociale du projet.

Alexis est confiant pour l’avenir, de préciser : « par rapport à tous ce qui se fait en Chine, nous arrivons au bon moment. (...) Nous avons déjà un très bon vin alors que rien n’a encore été fait. »

Avec une production à 2300 m d’altitude sur les pentes de l’Himalaya, le nom du domaine est tout trouvé : XiaoLing, « crête de montagne dans les nuages ».

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