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Vins italiens de l'Azienda agricola Francesco Joško Gravner

De la technicité à la simplicité, un voyage aux origines de la vinification

Vins italiens de l'Azienda agricola Francesco Joško Gravner

Vins italiens de l'Azienda agricola Francesco Joško Gravner

Joško Gravner est internationalement connu comme pionnier d’une part de la vinification en amphores et d’autre part de l’élaboration de "vins orange"’ à la couleur issue d’une macération pelliculaire longue des peaux de raisins blancs au contact du moût.
Ce retour aux origines de la vinification trouve sa source notamment dans ses voyages en Géorgie.

La région Friuli-Venezia Giulia (Frioul-Vénétie Julienne) se situe dans l’extrême nord-est de l’Italie, entre côte Adriatique (autour de la baie de Trieste) et Alpes dolomitiques, avec la Vénétie à l’ouest, l’Autriche au nord, l’ex-Yougoslavie (Slovénie et Croatie) à l’est. Cette région la plus orientale d’Italie marque la frontière entre les mondes roman et slave.
Là se situe l’appellation Indicazione GeograficaTipica Venezia Giulia. Parmi les diverses Denominazione di Origine Controllata, Collio dans l’est du Frioul, limitrophe avec la Slovénie. Dans ce terroir vallonné et ventilé par la "bora" (un vent souvent violent provenant du nord - nord-est, qui souffle sur la mer Adriatique, la baie de Trieste), les terrasses verdoyantes sont soigneusement travaillées.

Nous sommes accueillis par la fille du maître des lieux : Mateja Gravner.

3 parcelles réparties en 12 terrasses totalisant environ 15 hectares

Le domaine s’étend sur 3 parcelles réparties en 12 terrasses totalisant environ 15 hectares.
Les vignes sont âgées de 60 ans en moyenne.
Le sol  argilo-calcaire reposant sur des plaques de marne – appelé dans le dialecte frioulan ‘ponca’ – a nécessité la pose de conduites d’écoulement de l’eau pluviale afin de consolider le terrain.

L’on est attentif à un écosystème varié. Des arbres ont été plantés, entre autres des ginkgo biloba (arbre appartenant à la plus ancienne famille connue, puisqu'elle serait apparue il y a plus de 270 millions d'années - symbole de pérennité. Il a d’autre part survécu à Iroshima - symbole de résistance), cerisiers, abricotiers, pêchers.

Un étang a été créé afin de multiplier les (micro-) organismes, pour faire revenir les oiseaux : d’ailleurs, deux nids ont été construits. La polyculture pratiquée ici a pour but d’éviter que les baies de raisin ne soient consommées par les oiseaux, insectes et autres, en leur offrant des fruits en quantité.

La propriété est fondée en 1901.
Le père et l’oncle de Joško Gravner vendaient le vin en vrac.
En 1973, les premières bouteilles étiquetées du domaine sont mises en vente sur le marché.
C’était l’époque de la viticulture "traditionnell"’. Joško Gravner avait alors acquis une réputation internationale pour ses vins vinifiés selon les techniques œnologiques les plus modernes.

Deux moments importants modifient la philosophie du vigneron.
Première étape : l’abandon des cuves en acier inoxydable pour des grands foudres en bois de Slavonie, pour quelques uns verticaux d’une capacité de 46, 70 hectolitres, pour les autre couchés d’une capacité de 10, 13, 35 hectolitres.
La seconde : en 1996, le vignoble a été dévasté par la grêle, ne produisant que 200 litres de vins.

Ce fut l’occasion d’une réorientation radicale dans la conduite du domaine. Dès 1997, il y eu la volonté de produire un vin qui goûte le raisin, qui soit le reflet du cépage. La première expérience de ce retour à une vinification naturelle fut la macération de 2.000 kilos de ribolla.

Désormais, Joško Gravner entend privilégier les cépages autochtones au dépend des cépages internationaux.
Il ne subsiste plus que trois variétés :
- un blanc : ribolla gialla (féminin de "jaune" en italien, vin que l’on retrouve de l’autre côté de la frontière, en Slovénie, sous le nom de ‘rebula’)
- deux rouges : pignolo, merlot en quantité infime.
Les sauvignon blanc, pinot gris (pinot grigio), riesling italico et chardonnay ont été arrachés dans l’optique de planter de la ribolla gialla. Les parcelles ne sont cependant pas encore replantées mais laissées en friche afin que la terre puisse se reposer. Seule la meilleure sera replantée.

L’accent est mis sur deux cépages indigènes ancestraux, tous deux plantés en 1995 :
- ribolla gialla : elle est taillée de façon particulière, en ‘arbre en éventail’. Le domaine s’y consacre essentiellement,
- pignolo : il provient d’une très ancienne vigne (Les pieds appartenaient à Girolamo Dorigo) reproduite en sélection massale. Il est recouru à la taille Guyot simple. Ce cépage qui peut allier qualité et quantité couvre un hectare et demi.

Les produits chimiques (par exemple : herbicide) sont prohibés. Sont utilisés le cuivre, le soufre, des algues et le propolis.
Sur chaque pied, 5 grappes sont coupées à leur pointe, ce qui permet la concentration du jus et d’éviter le développement de maladies : en effet, le bas de la grappe subit le ruissellement, ce qui augmente d’autant les risques.

Au gré des millésimes, les raisins sont égrappés ou non. Si la rafle est conservée, il convient qu’elle soit mûre ce qui implique une vendange plus tardive.
Pas de pressoir pneumatique, afin de traiter le raisin en douceur.

Toutes les amphores, il serait plus juste d’appeler ces grosses jarres en terre cuite de leur nom d’origine ‘qvevri’, proviennent directement de Géorgie (L’amphore est de petit volume, entre 20 à 30 litres, et est essentiellement destinée au transport de divers produits alimentaires, le plus souvent liquides, de manière plus accessoire au stockage).

Elles sont confectionnées à la main et sont donc de contenances variables. Etanchéifiées à l’intérieur d’une cire d’abeille, elles sont entourées de chaux afin d’assurer leur solidité, enterrées et remplies d’eau afin de déterminer leur contenance exacte.

Le remplissage des amphores s’effectue par gravité via trappe et tuyau. Depuis que toutes les cuvées tant rouges (‘Rosso Breg’) que blanches (‘Bianco Breg’ et ‘Ribolla’) connaissent un passage en amphore, les étiquettes ont été modifiées et ne mentionnent plus le terme ‘anfora’.
Les murs de la salle qui contient les amphores (‘cantina delle anfore’) sont posés sur des pilotis de 8 à 12 mètres.
La salle contient 46 amphores d’environ 500, 2.400 et 3.100 litres, surmontés d’un couvercle de pierre.
Aucun intrant œnologique n’est utilisé.

Le ‘chapeau’ étant très compact, il est recouru au pigeage 4 à 6 fois par jour au moyen d’un pilon de bois.
Toutes les cuvées connaissent une longue macération – au moins 5 mois - et fermentation en amphores.
Depuis 2001, tous les vins blancs sont vinifiés en amphore. Seule la ribolla effectue sa fermentation malolactique en amphore.

Les vins rouges sont directement transvasés en foudre de chêne de Slavonie de 10 hectolitres.
Le domaine pratique également de longs élevages. Il s’écoule ainsi de 7 à 15 ans minimum –selon le millésime - entre la vendange et la mise en vente. Ainsi, depuis le millésime 2006, tous les vins blancs sont élevés 6 ans. La cuvée ‘Rujno’ (suivant l’année : 100 % merlot ou adjonction d’un très faible pourcentage de cabernet franc) est élevée pendant 10 ans.

Tous les vins sont non-filtrés de par le dépôt des lies inhérent aux longs élevages.
Si le SO2 est utilisé, c’est uniquement en faible quantité soit lors de la mise en amphore ou  lors de la mise en bouteille.

La visite se termine par la dégustation de trois vins dont le potentiel d’évolution est encore grand :
- Bianco Breg 2007 (mis en bouteille en septembre 2014) en appellation Venezia Giulia (une cuvée produite jusqu’en 2012 car il s’agit d’un assemblage de sauvignon blanc, riesling italico, chardonnay et pinot gris depuis lors arrachés.), au palais en lame de rasoir, à la très longue finale (14,5%),
- Ribolla 2007 en appellation Venezia Giulia, alliant puissance, délicatesse, subtilité et sapidité (13,5 %),
- Rosso Breg 2004  en appellation vino di tavola issu du cépage pignolo dont les tanins doivent encore se fondre (13 %).

Paradoxalement, c’est par un retour aux méthodes ancestrales que Joško Gravner a innové.


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