C’est à Carcassonne, à la « Cantine » de Robert Rodriguez, que se situe ma première approche des vins de Mylène Bru : agréable et étonnante surprise, qu’il s’agisse du vin ou encore du cépage ! J’en reparlerai plus loin.
Je l’ai rencontrée la première fois au salon des vignerons d’Olne (01) : son premier salon, la Belgique demeurant depuis lors son premier pays à l’exportation. Les trois cuvées alors goûtées furent des confirmations des premières impressions.
J’ai depuis lors revu Mylène Bru à l’une ou l’autre occasion et ai - bien évidemment – continué à découvrir plus amplement ses diverses cuvées.
Il se confirmait à chaque fois une impression d’osmose entre la vigneronne et ses vins : de la simplicité mais avec de la profondeur et – osons le terme – un côté féminin. L’impression d’une vigneronne qui crée des vins à son image.
En résultait l’envie d’aller plus loin dans l’approche des vins et son auteure.
Rendez-vous est donné non pas dans le chai mais dans les vignes, chose malheureusement peu courante. Mylène Bru nous reçoit dans le mazet en cours de rénovation.
Des grand-pères vignerons dans les Corbières, un passé d’œnologue : la voilà en quête de vignes.
A Saint-Pargoire, au lieu-dit « La Fon de Lacan », s’opère un coup de foudre pour ce plateau au milieu de la garrigue où les parcelles de vignes regroupées quasi d’un seul tenant autour d’une ancienne bergerie n’ont jamais été mécanisées. Le fait qu’elles appartenaient toutes au même viticulteur en a facilité le rachat.
Le premier millésime intervient en 2008.
Le sol argilo-calcaire riche en magnésie (« terres blanches ») en devient friable tel de la craie, avec quelques graves.
D’une exposition globalement nord – nord-est, les vignes couvrent quelques cinq hectares tous en agriculture biologique dès le départ.
Il n’est plus fait usage d’un chenillard : toutes les parcelles sont travaillées au cheval depuis quatre ans. Les traitements sont exclusivement manuels. Ainsi, l’ensemble des parcelles est débroussaillé à la tondeuse à main.
Pas de vendange en vert : le domaine produit naturellement de petits rendements (autour de 15 à 17 hectolitres l’hectare).
La récolte s’effectue manuellement, dans le respect du raisin.
Quant à la vinification, elle se veut la plus naturelle possible.
Le chasselas est un raisin de table (songez au chasselas de Moissac A.O.P.) mais aussi – et surtout en ce qui nous concerne - un raisin de cuve que l’on retrouve notamment en Savoie, en Suisse (d’où il serait originaire) par exemple dans le canton du Valais où il est connu sous le nom de « Fendant », dans l’appellation « Pouilly-sur-Loire », ainsi que - sous le nom de « Gutedel » - en Alsace et Allemagne.
Quant au tempranillo, il serait originaire d’Espagne et plus précisément de la Rioja.
Pourquoi cette digression ?
Parce que Mylène Bru prodigue ses soins à des cépages fréquents dans le Languedoc tels le cinsault, le carignan, la syrah, le grenache, le marselan (outre quelques pieds d’aubun), mais aussi à d’autres à la présence étonnante que sont le chasselas et le tempranillo.
Il en résulte deux cuvées mono-cépages déclinées en vin de France :
« Karm » pour le tempranillo, dont le nom d’origine arabe désigne les jardins d’Andalousie, le verger, la vigne,
« Lady Chasselas ». C’est une des deux cuvées vinifiées dès l’origine (avec « Far-Ouest » en A.O.P. Coteaux du Languedoc rouge), et par ailleurs celle qui m’a permis de découvrir le domaine.
Avant de nous quitter, notre regard se porte sur le futur chai en chantier. 2014 verra, en principe, la première vinification sur place. Il présente la particularité d’être ouvert car Mylène Bru ne supporte pas d’être enfermée : elle a toujours vinifié au grand air.
Mais à ce besoin de vivre aux quatre vents s’en ajoute un autre tout aussi impérieux, tactile celui-ci : toucher la vigne, la vendange, le moût !
Ici, le vin est sens. Ici, le vin fait sens.
(01) Devenu entre-temps le salon des vignerons de Liège : www.salondesvignerons.be
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